L’OPEP a ignoré la pression politique et commerciale qui l’incitait à augmenter sa production de pétrole afin d’atténuer le resserrement du marché. Risquons-nous de manquer de pétrole ?
Après le charbon et le gaz, risquons-nous de manquer de pétrole ?
Mercredi 06 Octobre 2021,
La réunion de l’OPEP n’aurait duré que 25 minutes
L’OPEP a décidé d’ignorer la pression politique et commerciale qui l’incitait à augmenter sa production de pétrole afin d’atténuer le resserrement du marché.
Le groupe de 23 membres a déclaré le 04 Octobre dans un communiqué que beaucoup de médias ont qualifié de laconique, tenant en 10 lignes, et sans conférence de presse, qu’il augmenterait sa production d’un modeste 400 000 barils par jour en novembre, soit moins de 0,5 % de la demande mondiale. Plusieurs observateurs et analystes espéraient 400 000 barils/j supplémentaires (en sus des 400k/j décidés depuis Juillet).
Selon les analystes, le groupe est plus prudent dans ses perspectives que certains observateurs de l’industrie, qui voient la demande de pétrole dépasser largement l’offre dans les mois à venir. Un changement de politique aurait pu se heurter à une opposition de certains pays membres et ouvrir la voie à de nouvelles négociations sur les quotas des producteurs qui souhaiteraient des plafonds plus élevés. Une négociation que le prince Abdulaziz bin Salman, le ministre saoudien du pétrole, voulait très probablement éviter.
D’un autre côté, les appels pour ouvrir les vannes sont de plus en plus fortes. Des signes de détresse apparaissent sur les marchés de l’énergie :
La Chine manque de Charbon. Avec la détérioration des relations sino-australiennes, la Chine a cessé d’importer du charbon d’Australie et se tourne désormais vers l’Indonésie et la Mongolie. Mais, du fait du Covid-19, le trafic avec cette dernière a été perturbé. Les prix ont donc tendance à croître, au plus haut historique de 228$ la tonne.
Avec la flambée des prix du gaz en Asie et en Europe, plusieurs pays se tournent vers le pétrole pour la génération d’électricité. Le même jour de l’annonce de l’OPEP (le 04/10/2021), Saudi Aramco a déclaré que la crise du gaz naturel stimulait déjà la demande de pétrole. La consommation de brut a augmenté d’environ 500 000 barils par jour, selon Amin Nasser, directeur général d’Aramco. Cela correspond à peu près à la production totale du Venezuela, membre de l’OPEP selon l’article du worldoil.com.
À la suite de la guerre contre le pétrole de schistes américain mené par l’Arabie saoudite en 2020, les producteurs américains sont restés disciplinés dans leurs investissements. Et les dommages causés par l’ouragan Ida en août aux infrastructures pétrolières et gazières dans le golfe du Mexique ont annulé une partie de l’impact des récentes augmentations de production de l’OPEP+. La production dans le Golfe du Mexique est estimée à 600 K/bj en dessous de ses capacités.
Conséquence: Le déficit de l’offre par rapport à la demande est désormais évalué à 900 K/j pour le T4 2021, contre 600 k/J au T3 2021. A un moment où les stocks de l’OCDE sont de prés de 100 Million de barils en dessous de leur moyenne 2015-2019.
Source: OCDE/Refinitiv
Une nouvelle brique dans le mur d’inquiétudes pour le marché actions européen :
La décision des pays de l’OPEP de ne pas bouger ajoute un nouveau problème au mur d’inquiétudes :
Immobilier Chinois avec Evergrande et Fantasia Holdings
Power Crunch en Chine et en Europe
Tapering de la banque centrale Américaine et hausse des taux américains au dessus de 1.5%.
Commandes à l’Industrie Allemande en baisse de 8% en Aout.
Pression sur les émergents liée à la hausse du dollar.
Turbulences dans les chaines d’approvisionnement
Le pétrole progresse de plus de 100% en 1 an, et la stabilisation entre 70$ et 80$ tant espérée s’éloigne de jour en jour. Les compagnies pétrolières maintiennent leurs investissements dans l’Upstream à des niveaux réduits, et poursuivent leurs efforts pour la transition vers de nouvelles sources durables. Mais le système énergétique mondial reste dépendant à 80% des énergies fossiles, et pour limiter le réchauffement climatique, il semblerait que le pic d’investissement dans le pétrole ait largement précédé le pic de la demande.
Cours du Brent 2010-2021
Source: Refinitiv Desktop
Présent dans tous les process industriels, il pourrait alimenter un nouveau round d’inflation, mettre sous pression le pouvoir d’achat des ménages, dont l’humeur commence déjà à être impacté par les hausses des prix et les pénuries.
Les inquiétudes vis-à-vis de la stagflation augmentent. Les banques centrales pourraient se retrouver acculées. L’inflation est leur principale mission, et force est de constater que le caractère transitoire de cette dernière se révèle de plus en plus long. L’esprit de Paul Volcker est toujours vivant, Ils n’auront d’autre choix que de changer de stratégie si leur analyse de l’inflation s’avère erronée.
Le pétrole et le Feedback loop
Les mouvements de ce type sur le pétrole ont été par le passé des signaux de soucis à venir (2008, 2015, 2018). Le marché actions européen reste constructif à ce jour, nous constatons plus des rotations sectorielles (Value = Finance+Energy), des repositionnements, et pas de ventes panique. Le mur d’inquiétudes devrait à terme s’estomper (comme toujours), et les perspectives de croissance devraient s’améliorer avec l’accélération des dépenses d’investissement liée aux plans de relance US/Europe.
On aime dire que le meilleur remède contre un pétrole cher est un pétrole cher. Une hausse du prix au-dessus de 90 dollars le baril pourrait impacter négativement la demande et générer une réaction politique assez forte, surtout aux Etats Unis. L’OPEP+ pourrait être confrontée à plus de pression en faveur d’augmentations plus importantes lors de la prochaine réunion, prévue le 4 novembre.
En attendant, les catalyseurs à court terme semblent assez rares, et la prudence reste de mise au niveau des investisseurs internationaux.
Se demander si Evergrande est un moment « Lehman » est légitime. Nous nous souvenons tous du « La Grèce ne représente que 2% du PIB de l’Eurozone ».
Quelle est la taille du risque financier direct ? Comment l’effet domino peut-il se propager ? Comment suivre le risque de contagion sur les marchés de capitaux mondiaux ?
Evergrande est en baisse de plus de 11 % aujourd’hui et a chuté de plus de 80 % cette année. Le groupe a un paiement d’intérêts de 83,5 millions de dollars dû jeudi (23/09) pour une obligation de mars 2022, selon Reuters. Une échéance qu’il semble de moins en moins en mesure d’honorer. Le sentiment des investisseurs asiatiques s’est significativement détérioré, mettant les marchés financiers sur une position de grande fragilité.
Pour le moment, le consensus s’accorde sur un risque de choc économique et écarte celui d’un choc systémique. La faillite d’Evergrande devrait accentuer les difficultés d’une économie chinoise déjà en perte de vitesse depuis quelques trimestres, et impacter le reste du monde sous une forme qui reste à découvrir.
Se demander si Evergrande est un moment « Lehman » est légitime. Nous nous souvenons tous du « La Grèce ne représente que 2% du PIB de l’Eurozone », et les conséquences dramatiques de la crise grecque sur les populations européennes et la cohésion de l’union.
Se doter de quelques indicateurs pour suivre la situation me parait utile plus que futile. Quelle est la taille du risque financier direct ? Comment l’effet domino peut-il se propager ? Comment suivre le risque de contagion sur les marchés de capitaux mondiaux ?
Je tenterai de répondre à ces questions dans ce papier.
Les données de cette analyse proviennent du site Reuters/Refinitiv et sont publiées en Renminbi. La présentation est en dollars avec une parité USD/CNY de 6.45 pour faciliter la lecture.
Quelle est la taille du risque financier direct ?
Il est important de noter qu’un défaut ne donne pas toujours lieu à une perte de 100% du principal. La liquidation des actifs d’un groupe en défaut permet aux créanciers de récupérer une partie de leur capital.
Fitch Rating par exemple assigne une note « Recovery Rating » qui évalue le niveau de capital que les créancier pourraient recouvrer. Pour Evergrande, la note Fitch est de RR6:
Source: Fitch Ratings définition
Ce qui signifie que le taux de recouvrement sur les actifs d’Evergrande est assez faible en cas de défaut.
La dette d’Evergrande est évaluée à 300 Mrds $ à fin 2020, et se décompose comme suit :
30 Mrds USD détenus par les investisseurs offshores (les étrangers).
150 Mrds USD de dettes fournisseurs et avances clients : Il s’agit de fournisseurs de matériaux tel que le ciment ou les vitres, et les avances des clients acheteurs d’appartements.
120 Mrds USD prêtées par les banques chinoises.
Par devise, les obligations libellées en dollars US émises par Evergrande sont évaluées à 19.5Mrds de dollars selon Reuters, soit 6.5% de la dette totale. La dette offshore en USD est finalement assez faible.
Le risque pèse surtout sur le crédit bancaire.
Source: Refinitiv
Lorsque nous évaluons la dette par maturité, 68 Milliards sont à long terme (dont 19 Mrds d’obligations) . Le reste étant soit une dette long terme arrivant à échéance, un crédit fournisseur, ou les avances des clients.
Extrait de la partie Passif du Bilan d’Evergrande
Source: Reuters
De cette évaluation de l’endettement, nous comprenons que le risque financier pèse surtout sur les parties prenantes locales tel que les banques, assureurs, les clients et les fournisseurs. Cette structure de la dette d’Evergrande doit expliquer la raison pour laquelle les analystes pensent que nous ne sommes pas face à risque systémique mais plutôt un choc économique. Cela dit, ces parties prenantes sont des composantes importantes de l’économie chinoise, les dégâts qu’ils pourraient subir pourraient avoir un effet boule de neige au point d’atteindre le cœur même du système, à savoir des turbulences sur le marché des capitaux et des difficultés du secteur bancaire.
Comment l’effet domino peut-il se propager ?
Les promoteurs immobiliers
L’effondrement d’Evergrande aurait un effet domino sur les autres promoteurs immobiliers de Chine et de Hong Kong.
La société GuangZhou R&F par exemple a vu le prix de son obligation à échéance Janvier 2022 chuter en dessous de 77, et offre un rendement de 104% !
Ou encore le groupe Fantasia, dont l’obligation 2024 atteint un rendement de 58% et dont le prix a chuté en dessous de 42.
Les cours des actions des ces deux groupes a également lourdement chuté, -80% en dessous du pic pour Guangzhou et -70% pour Fantasia, révélant une crainte liée à la continuation de l’activité, et pas seulement des difficultés économiques conjoncturelles.
Immobilier d’hôtellerie et divertissement
Dans un contexte de régulation tout azimuts pour la promotion de la prospérité commune, l’ impact sur tous les secteurs qui allient la promotion immobilière et le divertissement peut être important. Les casinos de Macau par exemple ressentent l’impact de cette combinaison d’évènements qui ne leur sont pas du tout bénéfiques. -60% en dessous du pic 2021 pour Sands China, et Wynn Macau.
Evergrande peut aussi avoir des effets négatifs sur les ménages et entrepreneurs chinois, entrainant une dégradation de leur patrimoine financier et immobilier. Comme j’ai pu vous le présenter dans la structure de la dette du groupe, une grande partie (150 Mrds sur 300) est une dette fournisseurs et avance clients. Ces mêmes ménages se sont endettés pour acheter leur bien, auprès des banques et de leurs familles. Leur mise en difficulté pourrait aboutir à une situation de « Crédit Crunch » qui ne toucherai plus seulement les promoteurs immobiliers mais l’ensemble de l’économie. Nous n’avons pas de données statistiques pour le moment, mais nous entendons déjà l’histoire d’investisseurs vendant à tout prix leurs biens, avec des discount dépassant les 20%. Le crédit crunch est difficile à surmonter comme a pu le révéler la crise de 2008.
La Finance
Le secteur financier est également concerné par la débâcle d’Evergrande sous différents aspects.
Le Hang Seng Financial Index est en baisse de plus de 4% ce Lundi 20/09.
Le premièr aspect concerne l’exposition directe des banques au crédit du groupe. Plusieurs petites banques ont prêté de l’argent à Evergrande. Des banques de taille intermédiaire/importante et cotées en bourse sont également exposées à Evergrande. C’est le cas d’Agricultural Bank of China et China Minsheng Banking Group.
Si nous prenons China Minsheng Banking Group (600016.SS), le groupe a déclaré que les risques liés à son exposition aux prêts accordés à China Evergrande Group (3333.HK) sont « dans une fourchette contrôlable », l’exposition ayant diminué depuis septembre dernier. Cela n’empêche pas le marché d’être inquiet et de sanctionner le groupe lourdement.
La seconde concerne la partie « Wealth Management », plusieurs produits d’épargne chinois contiennent des produits de taux tel que la dette d’Evergrande. Le marché ignore l’ampleur de la propagation de cette dette dans les fonds d’investissement proposés par les gérants de patrimoine chinois.
Dans cette catégorie, l’inquiétude se concentre notamment sur l’assureur Ping An. La semaine dernière, le Financial Times a rapporté que des investisseurs individuels ayant acheté des produits de gestion de patrimoine liés à Evergrande se sont rendus au siège de l’entreprise à Shenzhen pour exiger le remboursement de leur argent. Ping An a publié un communique affirmant: « Pour les entreprises immobilières sur lesquelles le marché est focalisé, les fonds d’assurance PA ont une exposition nulle, ni en actions ni en dettes, y compris China Evergrande ».
L’élément également à ne pas occulter, c’est que les investisseurs chinois investissent très souvent sur marge. Des positions très importantes en bourse souffrent actuellement de leur effet de levier devenu effet de massue, et beaucoup seront acculés à déboucler leurs positions et réaliser leurs pertes.
Sur la partie produits d’épargne, le marché reste méfiant face au caractère inconnu de ce risque, et sanctionne Pin An lourdement. En baisse de 50% par rapport à son pic 2021.
Comment suivre le risque de contagion sur les marchés de capitaux mondiaux ?
Une forte hausse du risque de défaut d’une institution financière Chinoise.
Pour suivre ce risque, il sera intéressant de suivre l’évolution des CDS (Credit Default Swaps, assurance contre le défault), de quelque institutions financières tel que Bank of China, Agricultural Bank of China China ou Minsheng Banking Group,
Si nous prenons le CDS 5 ans de Bank of China, il reste à des niveaux historiquement bas de 46 points de base. Certains pourraient estimer qu’il est beaucoup trop faible vu le contexte, même sans crainte de crise systémique.
Source: Refinitiv
Les conditions de financement en dollars
Ensuite, je suivrais les conditions de financement en dollars, que ce soit en Chine ou dans le reste du monde.
Pour la Chine, je suivrai un indicateur de Swap USD/CNY sur 1 mois. Par exemple le US DOLLAR/CHINESE YUAN OFFSHORE 1 MONTH FX FORWARD SWAP.
Des sociétés de promotion immobilière chinoise, comme nous avons pu le voir avec Fantasia ou Guangzhou, ne sont plus capables d’accéder au marché de financement en USD, avec des rendements requis atteignant jusqu’à 150%.
Nous avons donc un début de contagion sur le marché immobilier chinois.
Source: Refinitiv
Pour le reste du monde, L’USD Libor (London Interbank offered rate) pourrait être un bon indicateur des conditions de financement en dollars des banques internationales. A ce jour, Cet indicateur ne montre aucun signe de stress sur le marché interbancaire.
Source: global-rates.comSource: Refinitiv
Le High Yield Européen et Américain :
La situation d’Evergrande a fortement impacté le marché haut rendement asiatique. Surtout qu’une part importante du compartiment High Yield Chinois est composé de promoteurs immobiliers. Le spread high yield s’élargit alors même que les données macro-économiques chinoises restent faibles. Une hausse des taux américains et du dollar suite à la réunion de la FED cette semaine pourrait accélérer le mouvement.
Une contagion du secteur High Yield Européen ou Américain serait un signal d’alerte vis-à-vis du risque de turbulences systémiques sur les marchés de capitaux mondiaux. Pour le moment, aucun signe de contagion n’apparait dans le marché haut rendement US et européen.
Conclusion
Pour conclure, la situation d’Evergrande alimente un mouvement hors des actifs risqués, avec un Sell off généralisé sur les marchés actions internationaux. Cette crise tombe mal en terme de calendrier, avec une baisse des flux actions et un resserement des conditions financière sur les derniers jours du troisième trimestre. La fête nationale « China Golden Week » est prévue pour la première semaine d’octobre (1er au 07 octobre 2021), un période plutôt calme économiquement, qui ne va pas aider à rassurer les marchés.
Pour le moment, la crainte semble plus liée à un choc économique et moins un choc systémique. Mais la configuration de ce choc, et sa capacité à impacter plusieurs pans de l’économie, de l’industrie sidérurgique à la finance, en passant par les ménages, mérite une attention particulière. L’ampleur des crises dépend également de la posture des pouvoirs publiques face à ces difficultés. Le serrage de vis réglementaire en Chine ne semble pas toucher à sa fin. Cet effort de moralisation des entreprises, de réduction de leur levier financier, et « d’investissement pour la prospérité commune » a certainement joué un rôle dans le coup de froid que subit l’économie chinoise aujourd’hui. La volonté du pouvoir chinois à mettre en place un plan de relance et d’assouplissement monétaire/fiscal sera déterminant, et les mois de Septembre/Octobre seront clé pour la suite de la tendance boursière.
On aime les appeler « Vautours » et s’intéressent de plus en plus à la France.
Qui sont-ils ? En quoi consiste leur approche ? Qui sont leurs cibles ? Quelles sont leurs tactiques ? Comment le marché y répond ?
Ils s’appellent Elliott, TCI ou Third Point. Certains sont des stars du marché comme Carl Icahn, Nelson Peltz ou Daniel Loeb. Et quand ils interviennent, le monde des affaires tremble.
On aime les appeler « Vautours » et s’intéressent de plus en plus à la France. Les grosses capitalisations ne leur font plus peur et s’attaquent désormais aux gros poissons. Le groupe de spiritueux Pernod Ricard est la cible du fonds activiste new-yorkais Elliott, le réassureur Scor se trouve dans le viseur de Ciam, Amber Capital détient désormais plus de 5% du capital du groupe Lagardère et Searchlight Capital Partners a annoncé racheter une participation de 26% dans l’équipementier aéronautique Latécoère.
En quoi consiste leur approche ? Qui sont leurs cibles ? Quelles sont leurs tactiques ? Comment le marché y répond ?
La stratégie
Les investisseurs activistes se spécialisent dans la prise de participation dans des sociétés cotées en bourse puis dans la promotion de changements dans le but de générer un gain sur l’investissement. L’investisseur peut souhaiter obtenir une représentation au conseil d’administration de la société ou utiliser d’autres mesures en vue de procéder à des modifications de la structure stratégique, opérationnelle ou financière. Dans certains cas, les investisseurs activistes peuvent soutenir des activités telles que la vente d’actifs, des mesures de réduction des coûts, des changements de direction, des modifications de la structure du capital, des augmentations de dividendes ou des rachats d’actions. Les activistes – y compris les Hedge Funds, les fonds de pension publics, les investisseurs privés et autres – varient considérablement dans leurs approches, leurs compétences et leurs horizons d’investissement. Ils peuvent également rechercher des résultats différents. Ce qu’ils ont en commun, c’est qu’ils plaident pour un changement dans leurs entreprises cibles.
L’activisme des actionnaires suit généralement une période de filtrage et d’analyse des opportunités sur le marché. L’investisseur examine généralement un certain nombre de sociétés en fonction de divers paramètres et effectue une analyse approfondie de l’activité et des opportunités de déblocage possibles. Plutôt que de poursuivre une stratégie d’OPA, les investisseurs activistes visent à atteindre leurs objectifs avec des participations moins importantes, généralement inférieures à 10%. L’horizon temporel des investisseurs activistes est souvent plus court que celui des investisseurs, mais l’ensemble du processus peut durer plusieurs années.
L’activisme des actionnaires (ou des investisseurs) n’est en aucun cas une nouvelle stratégie d’investissement. Ses fondements remontent aux années 1970 et 1980 aux Etats unis, lorsque des investisseurs connus sous le nom de « Corporate raiders » ont pris d’importantes participations dans des sociétés afin d’influencer leurs opérations, de débloquer de la valeur pour les sociétés cibles et d’accroître ainsi la valeur de leurs actions. Les partisans de l’activisme font valoir qu’il s’agit d’une activité importante et nécessaire qui permet de surveiller et de discipliner la gestion d’entreprise au profit de tous les actionnaires. Les opposants soutiennent que de telles tactiques interventionnistes peuvent être source de distraction et avoir un impact négatif sur les performances de la direction.
Les cibles des activistes
En moyenne, les entreprises ciblées affichent une croissance plus lente de leurs revenus et de leurs bénéfices que le marché, subissent une dynamique négative du cours de leurs actions et ont une gouvernance d’entreprise inférieure à la moyenne. En accumulant des parts et en initiant des changements dans les entreprises sous-performantes, les activistes espèrent générer de la valeur. En outre, en ciblant ces sociétés, les investisseurs activistes ont plus de chances de gagner le soutien des autres actionnaires et du grand public. Traditionnellement, les sociétés cibles étaient des actions cotées de petite et moyenne taille. Cela a changé depuis qu’un certain nombre de grandes entreprises sont devenues des cibles des activistes.
Caractéristiques des cibles:
Le processus d’une stratégie activiste
Source: Deutsche Bank
Les tactiques activistes:
Demander une représentation et des nominations au conseil d’administration.
S’engager avec la direction en écrivant des lettres appelant à expliquer les modifications suggérées.
Participer aux discussions entre la direction et les analystes ou en rencontrant l’équipe de direction en privé.
En lançant des « proxy contests » dans lesquels les activistes encouragent les autres actionnaires à leur donner procuration sur leurs votes pour effectuer un changement dans l’organisation.
Proposer des modifications significatives de l’entreprise lors de l’assemblée générale annuelle.
Proposer une restructuration du bilan afin de mieux utiliser le capital et potentiellement initier des rachats d’actions ou augmenter les dividendes.
Réduire la rémunération de la direction ou réaligner la rémunération de la direction avec la performance des actions.
Lancer des poursuites judiciaires contre la direction existante pour manquement à ses obligations fiduciaires.
Contacter les autres actionnaires de la société pour coordonner leurs demandes.
Lancer une campagne médiatique contre les pratiques de la direction existantes.
Demander la rupture d’un grand conglomérat pour débloquer de la valeur.
Comment le marché réagit aux attaques des activistes
Les investisseurs réagissent généralement positivement aux annonces d’activisme: en moyenne, les actions des sociétés cibles ont augmenté de 2% le jour de l’annonce (en se basant sur tous les événements activistes de la base de données Thomson Reuters Corporate Governance Intelligence de 1987 à 2016). De plus, la réaction positive s’ajoute à l’appréciation des actions avant les annonces d’activisme. Selon le modèle de Maug (1998), les investisseurs activistes négocient un titre avant l’annonce pour constituer une participation, revendiquer le contrôle et tirer profit de la création de valeur. On peut également soutenir qu’il doit y avoir une fuite d’informations sur l’implication des activistes, ce qui fait grimper le titre avant même la première annonce publique. Il y a une légère inertie après l’annonce: dans le mois qui a suivi l’annonce de l’activiste, les cours des actions cibles ont augmenté de 0,6% en moyenne par rapport au marché.(source : CFA Institute)
Vendredi 17 Mai, Paris- C’est une réussite ! Luckin Coffee flambe de plus de 50% à Wall Street avant de clôturer à +20% ! L’entreprise a réussi à lever 560 m$, valorisant son capital à plus de 4Mrds$, en faisant le plus gros flottant d’une entreprise chinoise sur le marché américain.
Crée en 2017, Luckin Coffee se présente comme le pionnier d’un nouveau modèle de vente au détail axé sur la technologie. Grace à son application mobile, Luckin dépend énormément sur la vente à emporter et la livraison.
Contrairement à Starbucks, dont les commerces sont des lieux de réunion confortables, Luckin ouvre des petits commerces où on peut se renseigner des dernières promotions et emporter sa commande.
Au pays du Thé, Luckin s’attaque à un marché dont la croissance peut être exceptionnelle. Surtout que la livraison de repas et de courses est très populaire en Chine. Le marché du café est passé de 2.7 à 8.7 Mrds $ en seulement 5 ans! Et la tendance ne semble pas s’essouffler.
Une nouvelle Licorne dans l’univers « New Retail » Chinois.
Depuis quelques années, la montée en puissance des start-ups chinoises est d’une ampleur inégalée, et leur niveau de consommation de cash atteint des niveaux à en faire pâlir la Silicon Valley. Que ce soit l’explosion des offres de mobilité courte, avec des millions de vélos et trottinettes qui envahissent les villes chinoises, ou la livraison des repas et courses qui colorent les rues de Pékin de gilets verts et bleus, couleurs des entreprises dominantes sur ce marché, la chine est devenue une usine à Start-ups, peu importe la viabilité de leur modèle.
D’ailleurs, plusieurs de ces start-up ont soi revu à la baisse leurs ambitions, soit acté l’échec de leur Business model (Vélos et trottinettes partagées).
Avec le ralentissement économique chinois et les tensions avec les USA, les sources de financement pour ces start-ups commencent à se tarir, même si Luckin démontre que le pays est encore capable de surprendre.
Luckin, comme plusieurs autres start-ups chinoises, ressemble à un clone d’un modèle qui fonctionne déjà (Starbucks), et ne suit pas le chemin traditionnel de croissance.
Une IPO génétiquement modifiée.
Luckin n’est pas une entreprise comme les autres. Généralement, en entreprenariat, on commence petit puis on grandit. La croissance est liée à sa réussite commerciale, et l’expansion se fait au rythme des profits et des capacités de financement.
Pas pour Luckin, qui se positionne comme un grand groupe dès sa première année d’existence. En bas âge, Luckin est déjà grand. Soutenu par de grands investisseurs (BlackRock, Centurium Capital, Joy Capital), il se développe à une vitesse fulgurante. En un peu plus d’un an, la société a séduit 17 millions de clients et ouvert près de 2400 commerces dans 28 villes chinoises. En comparaison, Starbucks a 3600 commerces, ouverts sur une période de 20 ans (le premier Starbucks a ouvert en 1999 en Chine).
Pas besoin d’attendre que le business model fasse ses preuves, l’objectif est clair, déloger Starbucks de sa position de leader dans le pays, le plus tôt possible. Les dirigeants y croient, malgré la puissance du modèle de Starbucks, ils citent la dominance de Costa Cafe aux UK et Tim Horton au Canada pour démontrer que le leadership de Starbucks n’est pas une fatalité. A fin 2018, Starbucks détenait 50% du marché du café contre 2% pour Luckin (5% pour Mc Café).
En ligne avec sa vision, Luckin ne vient pas chercher que de l’argent en bourse. Son introduction fait partie de sa stratégie commerciale. Aux côtés de la levée de fonds qui va lui fournir les moyens de son développement, l’entreprise vient également y chercher une notoriété, et une valorisation de la marque, centrale pour Luckin. Et sur ce plan, l’IPO est une réussite totale.
Comment acquérir des clients aussi vite : Les acheter.
Peng aime se rendre vers le Luckin en bas de son bureau pour prendre son shot de caféine. « Luckin n’est pas aussi bon que Starbucks », dit-il, « mais on en a pour son argent », « Le prix est vraiment plus faible ».
En effet, Luckin est aujourd’hui beaucoup moins cher que Starbucks, moitié moins cher.
Si le prix du café à la carte est quelque peu semblable à celui de Starbucks (3.5$ contre 4$), le consommateur paye très rarement le prix affiché. Les promotions à -50% sont quotidiennes. Si vous téléchargez l’application, votre premier café est gratuit. Et si vous parrainez un ami sur l’appli, est bien vous avez le droit à un café gratuit également.
Parmi les promotions actuellement en cours, les consommateurs sont encouragés à acheter 7 articles ou plus par semaine, leur permettant d’intégrer un pool de consommateurs similaires. A la fin de la semaine, chaque membre du pool recevra une réduction pour un total de 5 millions de Renminbi (640 000€). Cela équivaut à un retour de 3.5€ à chaque consommateur. Le programme 10 semaines promet un retour de plus de 6 millions € aux consommateurs. Les chinois adorent ces coupons et promotions.
Ces offres rognent les résultats de l’entreprise. Pour 241 millions $ de Chiffres d’Affaires, elle a publié une perte nette de 475 millions de $.
Le compte de résultat de l’entreprise est assez remarquable. Le chiffre d’affaire ne couvre même pas le coût de production (132% du CA). Les comptes de l’entreprise sont dans le rouge dès la marge brute. Les dépenses administratives représentent 85% du CA. Et il y a deux fois plus de pertes que de chiffres d’affaires. C’est dire si le management va devoir travailler sur tous les fronts (fournisseurs, charges administratives, Marketing etc) pour améliorer ses marges.
Compte de resultat de Luckin Coffee. source: Reuters
Comment va-t-elle gagner de l’argent alors ?
Ces actions promotionnelles sont une forme de Dumping, puisque la société ne réussit même pas à dégager une marge Brute positive. Cette stratégie n’est clairement pas soutenable à terme. Il faut bien que l’entreprise commence à dégager des profits pour ses actionnaires. La stratégie de Luckin est différente de celle de Starbucks. Elle repose énormément sur l’Emporter/livraison ainsi que l’utilisation de son application. Cela dit, le produit Starbucks est également réputé de meilleure qualité et mieux packagé. Que les consommateurs chinois continuent de consommer Luckin une fois les prix revenus au niveau de Starbucks n’est pas clair.
Les tensions commerciales entre les USA et la Chine, et leur impact sur la perception du consommateur chinois peut soutenir Luckin dans son effort face à Starbucks. D’une autre part, la guerre froide Technologique qui s’ouvre entre les deux pays peut représenter un frein pour le développement de luckin. Les dirigeants, eux, affirment qu’ils vont continuer leur effort de promotions de renforcement de la marque, expliquant que l’amélioration des marges viendrait de la baisse des couts, alimenté par l’investissement dans la technologie. Pourquoi pas.
Une chose est sûre, les investisseurs doivent faire preuve de patience sur le pan des couts en raison de la courbe d’expérience du groupe. Malgré sa croissance, il faudra quelques temps avant que la logistique et les frais administratifs ne soient rodées.