Le scandale des Savings&Loans de 1989

La crise des caisses d’épargne et de crédit (Savings&Loans) des années 1990 a été une catastrophe financière significative qui a eu des conséquences considérables pour les États-Unis. Elle peut nous éclairer sur la crise des banques régionales que nous connaissons actuellement.

Leçons à tirer pour la crise actuelle des banques régionales

Introduction:

La crise des caisses d’épargne et de crédit (Savings&Loans) des années 1990 a été une catastrophe financière significative qui a eu des conséquences considérables pour les États-Unis. Elle peut nous éclairer sur la crise des banques régionales que nous connaissons actuellement. Cette période a été marquée par l’effondrement de nombreuses caisses d’épargne et de crédit, entraînant une crise économique généralisée. Tout a commencé avec le « lundi noir ». Après le crash boursier du 19 octobre 1987 (le seul jour de baisse de -20% ou plus de l’histoire), la Fed a réduit les taux de 75 points de base. Une fois la volatilité retombée, elle agit à nouveau de manière agressive pour éviter l’inflation à deux chiffres du début des années 1980, et augmente les taux de plus de 385 points de base, atteignant un pic de 9,75% au début de 1989. Ces hausses ont précipité la crise des Savings and Loan.

Le contexte historique

L’industrie des caisses d’épargne et de crédit (Savings&Loans) aux États-Unis était un élément vital du système financier, axée principalement sur la collecte de dépôts et l’octroi de prêts hypothécaires aux particuliers. La première caisse d’épargne a été créée en 1831, et pendant 40 ans, il y avait peu de caisses d’épargne, présentes uniquement dans quelques États du Midwest et de l’Est. Cette situation a changé à la fin du 19e siècle avec la croissance urbaine et la demande de logements liée à la Deuxième Révolution industrielle, ce qui a provoqué une explosion du nombre de caisses d’épargne. Dans les années 70-80’s, les S&L jouaient un rôle crucial dans la promotion de la propriété immobilière et la stimulation de la croissance économique.

À la fin des années 1970 et au début 80’s, des changements politiques visant à la déréglementation de l’industrie des caisses d’épargne et de crédit ont été mis en œuvre aux États-Unis. Ces changements comprenaient la suppression des plafonds de taux d’intérêt, permettant aux S&L d’offrir des taux d’intérêt plus élevés pour attirer les dépôts et concurrencer d’autres institutions financières. De plus, les restrictions sur les types de prêts que les S&L pouvaient accorder ont été assouplies, permettant des investissements plus risqués dans des projets immobiliers spéculatifs.

Les causes de l’effondrement

Ces institutions ont adopté des stratégies de prêt agressives, souvent sans évaluation adéquate des risques ou de garantie, ce qui a entraîné une accumulation d’actifs non performants. L’effondrement ultérieur des marchés immobiliers ont mené à l’accumulation de pertes financières importantes.

La volatilité des taux d’intérêt a également eu un impact négatif sur les S&L pendant la crise, car ils dépendaient fortement des prêts hypothécaires à taux fixe à long terme financés par des dépôts à court terme. Lorsque les taux d’intérêt ont rapidement augmenté, les S&L ont été confrontées à un déséquilibre de financement, gagnant moins d’intérêts sur les prêts hypothécaires tout en devant payer des taux plus élevés pour attirer des fonds. Cela a entraîné une rentabilité réduite et une instabilité financière, aggravant leurs difficultés financières et contribuant au trouble dans son ensemble.

Source: Federal Reserve

Lorsque le problème est devenu clairement apparent, le manque de surveillance et le laxisme règlementaire avait déjà créé un environnement malsain, propice à la fraude et aux malversations. Pour reconstituer leurs marges, les S&L se sont compromis dans des activités illégales telles que des délits d’initiés, des détournements de fonds et des investissements spéculatifs. Le manque de supervision du régulateur a permis à la crise de s’aggraver, entraînant des pertes insoutenables pour les institutions financières.

Les efforts de résolution

La Federal Savings and Loan Insurance Corporation (FSLIC) a fermé ou saisi 296 établissements de 1986 à 1989. L’effondrement des marchés immobiliers et la détérioration des portefeuilles de prêts ont conduit de nombreuses S&L à l’insolvabilité. Le fardeau est donc retombé sur les contribuables, qui ont finalement financé un plan de sauvetage avec la création de la Resolution Trust Corporation (RTC). La RTC a fermé ou saisi 747 établissements de 1989 à 1995, pour une valeur estimée autour de 400 milliards de dollars. La crise a entraîné la faillite de 32 % (1 043 sur 3 234) des caisses d’épargne et de crédit (S&L) de 1986 à 1995. Les pertes financières subies par les institutions S&L au cours de la crise ont atteint un total estimé de 160 milliards de dollars. Le plan de sauvetage financé par les contribuables s’est élevé à environ 124 milliards de dollars. L’un des sauvetages financiers les plus coûteux de l’histoire des États-Unis.

 Bank and savings & loan (S&L) failures since 1970 are often part of recessions
Source: FannieMae

Des conséquences sur l’économie dans son ensemble

Tout d’abord, l’effondrement des marchés immobiliers. La chute des valeurs immobilières et la surabondance de biens saisis ont entraîné une baisse sévère des marchés immobiliers. La défaillance de nombreuses institutions S&L ont entraîné des pertes d’emplois dans l’industrie financière. La crise a contribué à une récession économique plus large, caractérisée par une baisse de la consommation, des faillites d’entreprises, une réduction de l’investissement et des pertes d’emplois importantes, notamment dans les secteurs de la construction et de l’immobilier.

L’économie américaine a connu une récession qui a duré 8 mois de juillet 1990 à Mars 1991.

Les années 90 ont été marqués par un épisode de Crédit Crunch. Etonnement, il était plus visible sur les entreprises et les ménages que sur le secteur immobilier.

Le crédit immobilier s’est stabilisé sans décliner significativement :

Les crédit aux consommateurs a connu un déclin qui a duré près de 3 ans

Le crédit aux sociétés commerciales et industrielles a décliné prés de 4 ans

Le marché action a résisté, certainement porté par d’autres catalyseurs :

Cependant, comme nous pouvons le voir dans le graphique du S&P500 ci-dessous, malgré l’émergence de la crise (290 banques en faillite entre 86 et 89), le marché actions US a connu une hausse saine de 70% entre le creux de 87 et le pic de 90. Lorsque l’effondrement s’est généralisé fin 89, il a érodé la confiance des investisseurs dans le secteur financier, entraînant une volatilité des marchés et une baisse de la liquidité. Il plonge de prés de 20% à l’avènement de la récession en Juillet 90 et baisse jusqu’en Octobre 90 avant de reprendre une tendance haussière forte jusqu’en 2000

Qu’apprenons nous de la crise des S&L que nous devrions prendre en compte dans la crise actuelle des banques régionales américaines :

  • La Réserve fédérale (FED) augmente toujours les taux jusqu’à ce qu’elle casse quelque chose.
  • Il a fallu 10 ans pour démêler la situation des S&L. La crise des banques régionales a commencé il y a 3 mois.
  • 32 % de l’industrie S&L a fait faillite. Il y a plus de 4200 Banques Régionales aujourd’hui aux USA.
  • La crise des S&L des années 1990 sert de rappel sur les dangers d’une réglementation laxiste.
  • L’absence de gestion des risques conduit toujours à des catastrophes financières.
  • Le marché ne réagit pas forcément à ce type de crise (qui comprend faillites bancaires, immobilières, credit crunch et chômage) par une dislocation comme en 1929 ou 2008. La crise du secteur a duré 10 ans, la récession 8 mois, mais le marché actions n’a réellement corrigé que 3 mois à l’avènement de la récession, entre Juillet et Octobre 1990, et « que » de 20%. L’ampleur des crises dépend des pouvoirs publics.
  • Une structure de résolution spécifique à la situation, appelée RTC, était nécessaire pour redresser ou fermer les banques en difficulté.
  • Un renflouement avec l’argent des contribuables à hauteur de 130 Mrds (dollars de 1990) était nécessaire pour absorber les pertes. Les dégâts en terme de destruction d’actifs est encore plus important, plus de 300 Milliards $.
  • Les caisses d’épargne (S&L) et les banques régionales avaient en commun une dépendance aux dépôts. La concurrence des marchés monétaires et des autres banques a affaibli leur position de liquidité.
  • Tout comme les caisses d’épargne ont investi massivement dans les hypothèques avant que les taux n’augmentent et que des faiblesses n’apparaissent dans l’immobilier, les banques régionales américaines ont prêté massivement dans l’immobilier commercial avant que la même forme de retournement de fortune ne se manifeste.

Voilà donc pour la crise des Savings&Loans, et ce qu’elle peut nous apprendre sur la crise actuelle. J’espère que l’article vous été utile et intéressant, n’hésitez pas à partager l’article, à souscrire, et à échanger avec moi sur le sujet @slimanimehdi1 sur Twitter.

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Evergrande: Un risque « Lehman »?

Se demander si Evergrande est un moment « Lehman » est légitime. Nous nous souvenons tous du « La Grèce ne représente que 2% du PIB de l’Eurozone ».
Quelle est la taille du risque financier direct ? Comment l’effet domino peut-il se propager ? Comment suivre le risque de contagion sur les marchés de capitaux mondiaux ?

Merci de lire le disclaimer

Evergrande est en baisse de plus de 11 % aujourd’hui et a chuté de plus de 80 % cette année. Le groupe a un paiement d’intérêts de 83,5 millions de dollars dû jeudi (23/09) pour une obligation de mars 2022, selon Reuters. Une échéance qu’il semble de moins en moins en mesure d’honorer. Le sentiment des investisseurs asiatiques s’est significativement détérioré, mettant les marchés financiers sur une position de grande fragilité.

Pour le moment, le consensus s’accorde sur un risque de choc économique et écarte celui d’un choc systémique. La faillite d’Evergrande devrait accentuer les difficultés d’une économie chinoise déjà en perte de vitesse depuis quelques trimestres, et impacter le reste du monde sous une forme qui reste à découvrir.

Se demander si Evergrande est un moment « Lehman » est légitime. Nous nous souvenons tous du « La Grèce ne représente que 2% du PIB de l’Eurozone », et les conséquences dramatiques de la crise grecque sur les populations européennes et la cohésion de l’union.

Se doter de quelques indicateurs pour suivre la situation me parait utile plus que futile. Quelle est la taille du risque financier direct ? Comment l’effet domino peut-il se propager ? Comment suivre le risque de contagion sur les marchés de capitaux mondiaux ?

Je tenterai de répondre à ces questions dans ce papier.

Les données de cette analyse proviennent du site Reuters/Refinitiv et sont publiées en Renminbi. La présentation est en dollars avec une parité USD/CNY de 6.45 pour faciliter la lecture.

Quelle est la taille du risque financier direct ?

Il est important de noter qu’un défaut ne donne pas toujours lieu à une perte de 100% du principal. La liquidation des actifs d’un groupe en défaut permet aux créanciers de récupérer une partie de leur capital.

Fitch Rating par exemple assigne une note « Recovery Rating » qui évalue le niveau de capital que les créancier pourraient recouvrer. Pour Evergrande, la note Fitch est de RR6:

Source: Fitch Ratings définition

Ce qui signifie que le taux de recouvrement sur les actifs d’Evergrande est assez faible en cas de défaut.

La dette d’Evergrande est évaluée à 300 Mrds $ à fin 2020,  et se décompose comme suit :

  • 30 Mrds USD détenus par les investisseurs offshores (les étrangers).
  • 150 Mrds USD de dettes fournisseurs et avances clients : Il s’agit de fournisseurs de matériaux tel que le ciment ou les vitres, et les avances des clients acheteurs d’appartements.
  • 120 Mrds USD prêtées par les banques chinoises.

Par devise, les obligations libellées en dollars US émises par Evergrande sont évaluées à 19.5Mrds de dollars selon Reuters, soit 6.5% de la dette totale. La dette offshore en USD est finalement assez faible.

Le risque pèse surtout sur le crédit bancaire.

Source: Refinitiv

Lorsque nous évaluons la dette par maturité, 68 Milliards sont à long terme (dont 19 Mrds d’obligations) . Le reste étant soit une dette long terme arrivant à échéance, un crédit fournisseur, ou les avances des clients.

Extrait de la partie Passif du Bilan d’Evergrande
Source: Reuters

De cette évaluation de l’endettement, nous comprenons que le risque financier pèse surtout sur les parties prenantes locales tel que les banques, assureurs, les clients et les fournisseurs. Cette structure de la dette d’Evergrande doit expliquer la raison pour laquelle les analystes pensent que nous ne sommes pas face à risque systémique mais plutôt un choc économique. Cela dit, ces parties prenantes sont des composantes importantes de l’économie chinoise, les dégâts qu’ils pourraient subir pourraient avoir un effet boule de neige au point d’atteindre le cœur même du système, à savoir des turbulences sur le marché des capitaux et des difficultés du secteur bancaire.

Comment l’effet domino peut-il se propager ?

Les promoteurs immobiliers

L’effondrement d’Evergrande aurait un effet domino sur les autres promoteurs immobiliers de Chine et de Hong Kong.

La société GuangZhou R&F par exemple a vu le prix de son obligation à échéance Janvier 2022 chuter en dessous de 77, et offre un rendement de 104% !

Ou encore le groupe Fantasia, dont l’obligation 2024 atteint un rendement de 58% et dont le prix a chuté en dessous de 42.

Les cours des actions des ces deux groupes a également lourdement chuté, -80% en dessous du pic pour Guangzhou et -70% pour Fantasia, révélant une crainte liée à la continuation de l’activité, et pas seulement des difficultés économiques conjoncturelles.

Immobilier d’hôtellerie et divertissement

Dans un contexte de régulation tout azimuts pour la promotion de la prospérité commune, l’ impact sur tous les secteurs qui allient la promotion immobilière et le divertissement peut être important. Les casinos de Macau par exemple ressentent l’impact de cette combinaison d’évènements qui ne leur sont pas du tout bénéfiques. -60% en dessous du pic 2021 pour Sands China, et Wynn Macau.

Evergrande peut aussi avoir des effets négatifs sur les ménages et entrepreneurs chinois, entrainant une dégradation de leur patrimoine financier et immobilier. Comme j’ai pu vous le présenter dans la structure de la dette du groupe, une grande partie (150 Mrds sur 300) est une dette fournisseurs et avance clients. Ces mêmes ménages se sont endettés pour acheter leur bien, auprès des banques et de leurs familles. Leur mise en difficulté pourrait aboutir à une situation de « Crédit Crunch » qui ne toucherai plus seulement les promoteurs immobiliers mais l’ensemble de l’économie. Nous n’avons pas de données statistiques pour le moment, mais nous entendons déjà l’histoire d’investisseurs vendant à tout prix leurs biens, avec des discount dépassant les 20%. Le crédit crunch est difficile à surmonter comme a pu le révéler la crise de 2008.

La Finance

Le secteur financier est également concerné par la débâcle d’Evergrande sous différents aspects.

Le Hang Seng Financial Index est en baisse de plus de 4% ce Lundi 20/09.

Le premièr aspect concerne l’exposition directe des banques au crédit du groupe. Plusieurs petites banques ont prêté de l’argent à Evergrande. Des banques de taille intermédiaire/importante et cotées en bourse sont également exposées à Evergrande. C’est le cas d’Agricultural Bank of China et China Minsheng Banking Group.

Si nous prenons China Minsheng Banking Group (600016.SS), le groupe a déclaré que les risques liés à son exposition aux prêts accordés à China Evergrande Group (3333.HK) sont « dans une fourchette contrôlable », l’exposition ayant diminué depuis septembre dernier. Cela n’empêche pas le marché d’être inquiet et de sanctionner le groupe lourdement.

La seconde concerne la partie « Wealth Management », plusieurs produits d’épargne chinois contiennent des produits de taux tel que la dette d’Evergrande. Le marché ignore l’ampleur de la propagation de cette dette dans les fonds d’investissement proposés par les gérants de patrimoine chinois.

Dans cette catégorie, l’inquiétude se concentre notamment sur l’assureur Ping An. La semaine dernière, le Financial Times a rapporté que des investisseurs individuels ayant acheté des produits de gestion de patrimoine liés à Evergrande se sont rendus au siège de l’entreprise à Shenzhen pour exiger le remboursement de leur argent. Ping An a publié un communique affirmant: « Pour les entreprises immobilières sur lesquelles le marché est focalisé, les fonds d’assurance PA ont une exposition nulle, ni en actions ni en dettes, y compris China Evergrande ».

L’élément également à ne pas occulter, c’est que les investisseurs chinois investissent très souvent sur marge. Des positions très importantes en bourse souffrent actuellement de leur effet de levier devenu effet de massue, et beaucoup seront acculés à déboucler leurs positions et réaliser leurs pertes.

Sur la partie produits d’épargne, le marché reste méfiant face au caractère inconnu de ce risque, et sanctionne Pin An lourdement. En baisse de 50% par rapport à son pic 2021.

Comment suivre le risque de contagion sur les marchés de capitaux mondiaux ?

Une forte hausse du risque de défaut d’une institution financière Chinoise.

Pour suivre ce risque, il sera intéressant de suivre l’évolution des CDS (Credit Default Swaps, assurance contre le défault), de quelque institutions financières tel que Bank of China, Agricultural Bank of China China ou Minsheng Banking Group,

Si nous prenons le CDS 5 ans de Bank of China, il reste à des niveaux historiquement bas de 46 points de base. Certains pourraient estimer qu’il est beaucoup trop faible vu le contexte, même sans crainte de crise systémique.

Source: Refinitiv
Les conditions de financement en dollars

Ensuite, je suivrais les conditions de financement en dollars, que ce soit en Chine ou dans le reste du monde.

Pour la Chine, je suivrai un indicateur de Swap USD/CNY sur 1 mois. Par exemple le US DOLLAR/CHINESE YUAN OFFSHORE 1 MONTH FX FORWARD SWAP.

Des sociétés de promotion immobilière chinoise, comme nous avons pu le voir avec Fantasia ou Guangzhou, ne sont plus capables d’accéder au marché de financement en USD, avec des rendements requis atteignant jusqu’à 150%.

Nous avons donc un début de contagion sur le marché immobilier chinois.

Source: Refinitiv

Pour le reste du monde, L’USD Libor (London Interbank  offered rate) pourrait être un bon indicateur des conditions de financement en dollars des banques internationales. A ce jour, Cet indicateur ne montre aucun signe de stress sur le marché interbancaire.

Source: global-rates.com
Source: Refinitiv
Le High Yield Européen et Américain :

La situation d’Evergrande a fortement impacté le marché haut rendement asiatique. Surtout qu’une part importante du compartiment High Yield Chinois est composé de promoteurs immobiliers. Le spread high yield s’élargit alors même que les données macro-économiques chinoises restent faibles. Une hausse des taux américains et du dollar suite à la réunion de la FED cette semaine pourrait accélérer le mouvement.

Une contagion du secteur High Yield Européen ou Américain serait un signal d’alerte vis-à-vis du risque de turbulences systémiques sur les marchés de capitaux mondiaux. Pour le moment, aucun signe de contagion n’apparait dans le marché haut rendement US et européen.

Conclusion

Pour conclure, la situation d’Evergrande alimente un mouvement hors des actifs risqués, avec un Sell off généralisé sur les marchés actions internationaux. Cette crise tombe mal en terme de calendrier, avec une baisse des flux actions et un resserement des conditions financière sur les derniers jours du troisième trimestre. La fête nationale « China Golden Week » est prévue pour la première semaine d’octobre (1er au 07 octobre 2021), un période plutôt calme économiquement, qui ne va pas aider à rassurer les marchés.

Pour le moment, la crainte semble plus liée à un choc économique et moins un choc systémique. Mais la configuration de ce choc, et sa capacité à impacter plusieurs pans de l’économie, de l’industrie sidérurgique à la finance, en passant par les ménages, mérite une attention particulière. L’ampleur des crises dépend également de la posture des pouvoirs publiques face à ces difficultés. Le serrage de vis réglementaire en Chine ne semble pas toucher à sa fin. Cet effort de moralisation des entreprises, de réduction de leur levier financier, et « d’investissement pour la prospérité commune »  a certainement joué un rôle dans le coup de froid que subit l’économie chinoise aujourd’hui. La volonté du pouvoir chinois à mettre en place un plan de relance et d’assouplissement monétaire/fiscal sera déterminant, et les mois de Septembre/Octobre seront clé pour la suite de la tendance boursière.

Des bulles et des crises

Statistiques: Que se passe-t-il quand le marché crash?

Statistiques: Que se passe-t-il quand le marché crash?

Le présent article analyse les résultats empiriques issus d’une étude de l’institut CFA publiée dans le livre « FINANCIAL MARKET HISTORY, Reflections on the past for investors today », édité par David Chamber et Elroy Dimson. Dans la partie 3, Bubble and crises, William Goetzmann (@WGoetzmann) explore les différentes crises boursières de l’histoire afin de pouvoir définir et tirer les leçons politiques et économiques de ces événements extrêmes. Dans cet ouvrage il présente des preuves empiriques tirées de plus d’un siècle de données sur les marchés boursiers mondiaux (21 pays, plusieurs indices par pays, 3390 années analysées).

Alors, afin de poser le débat, définissons une bulle : Une bulle est conditionnelle à un Boom de marché suivi par un crash de ce marché

Un Boom est définit comme:

  • Soit une hausse de plus de 100% durant une année
  • Ou une hausse de 100% durant une période de 3 ans

Un crash est définit comme:

  • Soit une baisse de plus de 50% l’année suivant le Boom
  • Une baisse de plus de 50% sur une période de 5 ans suivant le boom

Goetzmann constate que la fréquence des bulles est assez faible. La fréquence inconditionnelle des bulles dans les données est de 0,3 à 1,4 %, selon la définition d’une bulle.

Non seulement les bulles sont rares, mais elles sont également conditionnées à un boom du marché. Les crashs qui ont rendu des gains antérieurs n’ont eu lieu que 10 % du temps. Les prix du marché étaient plus susceptibles de doubler à nouveau après un boom des prix de 100 %.

Les premières bulles financières ont précédé le développement des marchés organisés. Stuart Jenks (2010) documente la première bulle sur la compagnie minière allemande Kuxe à la fin du 15ème siècle: Des fractions de parts dans les mines d’argent des montagnes du Harz s’échangeaient librement dans ce qu’on appelaient des foires financières, s’achetaient à crédit, et possédaient même des produits dérivés ressemblant aux options. Leurs prix pouvaient fluctuer dramatiquement durant ces foires financières.

Question 1:

Scénario 1: Une hausse de plus de 100% sur une année.

Sous ce scénario:

•La fréquence d’un crash après un boom est assez faible, 4,2% de chance que le marché s’éffondre.

•Après 5 ans, la fréquence d’un crash augmente sensiblement, mais avec une probabilité de 15%, ça reste insuffisant pour qu’un investisseur intègre systématiquement ce risque.

•La probabilité que le marché redouble de valeur sur les 5 ans suivants est bien plus forte à 26%.

Scénario 2: Une hausse de plus de 100% sur une période de 3 ans.

Sous ce scénario:

  • La fréquence d’un crash après un boom reste faible, 4,6% de chance que le marché s’effondre.
  • Après 5 ans, la fréquence d’un crash augmente sensiblement, mais avec une probabilité de 10%, ça reste insuffisant pour qu’un investisseur intègre systématiquement ce risque.
  • La probabilité que le marché redouble de valeur sur les 5 ans suivants est bien plus forte à 21%.

Question 2: Si vous arrivez après le Crash

Scénario 3: Une Baisse de plus de 50% sur une année.

Sous ce scénario:

  • La fréquence d’un rebond de 100% après un crash est 2x plus forte que celle d’une poursuite du crash.
  • Après 5 ans, la fréquence d’un boom augmente sensiblement, avec une probabilité de 36% de doubler de valeur, la statistique mérite l’attention de l’investisseur.

Scénario 4: Une baisse de plus de 50% sur une période de 3 ans

Sous ce scénario:

  • La fréquence d’un rebond de 100% après un crash est 2x plus forte que celle d’une poursuite du crash.
  • Après 5 ans, la fréquence d’un boom augmente fortement, avec une probabilité de 47% de doubler de valeur, il faut carrément montrer dans le wagon.

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