Les Investisseurs activistes, faut-il les suivre?

Qui sont ces investisseurs activistes qui font trembler les directions des grands groupes? Qui sont leurs cibles? Quelles sont leurs stratégies? Faut-il les suivre dans leur prises de participation?

Introduction

Estee Lauder a déçu. La chaine de cosmétiques, concurrent de L’Oréal a publié un chiffre d’affaires en baisse de 12% au T3 clos le 31 Mars 23. Les bénéfices, eux, sont en baisse de 72% sur la même période. Le groupe attribue cette piètre performance à la reprise lente en Asie. Mais il est le seul du secteur à faire état d’autant de difficultés. Le titre chute de 20%, tous les analystes dégradent leur opinion sur le titre, les investisseurs cherchent une porte de sortie.

Tous, sauf un. Nelson Peltz -l’investisseur activiste qui a fait plier Procter&Gamble en 2017 – lui, voit une opportunité merveilleuse de faire des profits. Les difficultés d’Estée sont pour lui un problème de management, et explore les possibilités d’un remaniement qui pourrait inclure l’éviction du PDG. La rumeur fait remonter le prix de 4% le lendemain.

Mais qui sont ces investisseurs activistes qui font trembler les directions des grands groupes? Quelles sont leurs cibles? Quelles stratégies adoptent-ils? Faut-il les suivre dans leur prises de participation?

C’est ce à quoi nous tenterons de répondre dans le présent article. Suivez moi!

Qui sont les investisseurs activistes?

Appelés également « Vautours », les investisseurs activistes se spécialisent dans la prise de participation dans des sociétés cotées en bourse puis dans la promotion de changements dans le but de générer un gain sur l’investissement. L’investisseur peut souhaiter obtenir une représentation au conseil d’administration de la société ou utiliser d’autres mesures en vue de procéder à des modifications de la structure stratégique, opérationnelle ou financière.

Dans certains cas, les investisseurs activistes peuvent soutenir des activités telles que la vente d’actifs, des mesures de réduction des coûts, des changements de direction, des modifications de la structure du capital, des augmentations de dividendes ou des rachats d’actions. Les activistes – y compris les Hedge Funds, les fonds de pension publics, les investisseurs privés et autres – varient considérablement dans leurs approches, leurs compétences et leurs horizons d’investissement. Ils peuvent également rechercher des résultats différents. Ce qu’ils ont en commun, c’est qu’ils plaident pour un changement dans les entreprises qu’ils ciblent.

Fonds activistes les plus médiatisés:

Source: Investopedia

L’activisme des actionnaires suit généralement une période de filtrage et d’analyse des opportunités sur le marché. L’investisseur examine généralement un certain nombre de sociétés en fonction de divers paramètres et effectue une analyse approfondie de l’activité et des opportunités de déblocage possibles. Plutôt que de poursuivre une stratégie d’OPA, les investisseurs activistes visent à atteindre leurs objectifs avec des participations moins importantes, généralement inférieures à 10%. L’horizon temporel des investisseurs activistes est souvent plus court que celui des investisseurs, mais l’ensemble du processus peut durer plusieurs années.

L’activisme des actionnaires (ou des investisseurs) n’est en aucun cas une nouvelle stratégie d’investissement. Ses fondements remontent aux années 1970 et 1980, lorsque des investisseurs connus sous le nom de « Corporate raiders » ont pris d’importantes participations dans des sociétés afin d’influencer leurs opérations, de débloquer de la valeur pour les sociétés cibles et d’accroître ainsi la valeur de leurs actions. Les partisans de l’activisme font valoir qu’il s’agit d’une activité importante et nécessaire qui permet de surveiller et de discipliner la gestion d’entreprise au profit de tous les actionnaires. Les opposants soutiennent que de telles tactiques interventionnistes peuvent être source de distraction et avoir un impact négatif sur les performances de la direction.

Quelles sont leurs cibles:

En moyenne, les entreprises ciblées affichent une croissance plus lente de leurs revenus et de leurs bénéfices que le marché, subissent une dynamique négative du cours de leurs actions et ont une gouvernance d’entreprise inférieure à la moyenne. En accumulant des parts et en initiant des changements dans les entreprises sous-performantes, les activistes espèrent générer de la valeur. En outre, en ciblant ces sociétés, les investisseurs activistes ont plus de chances de gagner le soutien des autres actionnaires et du grand public. Traditionnellement, les sociétés cibles étaient des actions cotées de petite et moyenne taille. Cela a changé depuis qu’un certain nombre de grandes entreprises sont devenues des cibles des activistes.

A noter qu’en moyenne, les investisseurs activistes ne ciblent pas les entreprises surendettées. Ils essayent de déceler les proies dont la principale faiblesse réside dans la gouvernance et la performance du management.

Caractéristiques des cibles:

Le processus d’une stratégie activiste:

Source: Deutsche Bank

Quelles sont les tactiques activistes:

  • Demander une représentation et des nominations au conseil d’administration.
  • S’engager avec la direction en écrivant des lettres appelant à expliquer les modifications suggérées.
  • Participer aux discussions entre la direction et les analystes ou en rencontrant l’équipe de direction en privé.
  • En lançant des « proxy contests » dans lesquels les activistes encouragent les autres actionnaires à leur donner procuration sur leurs votes pour effectuer un changement dans l’organisation.
  • Proposer des modifications significatives de l’entreprise lors de l’assemblée générale annuelle.
  • Proposer une restructuration du bilan afin de mieux utiliser le capital et potentiellement initier des rachats d’actions ou augmenter les dividendes.
  • Réduire la rémunération de la direction ou réaligner la rémunération de la direction avec la performance des actions.
  • Lancer des poursuites judiciaires contre la direction existante pour manquement à ses obligations fiduciaires.
  • Contacter les autres actionnaires de la société pour coordonner leurs demandes.
  • Lancer une campagne médiatique contre les pratiques de la direction existantes.
  • Demander la rupture d’un grand conglomérat pour débloquer de la valeur.
Source: Reuters

Comment le marché réagit aux attaques des activistes:

Les investisseurs réagissent généralement positivement aux annonces d’activisme: en moyenne, les actions des sociétés cibles ont augmenté de 2% le jour de l’annonce (en se basant sur tous les événements activistes de la base de données Thomson Reuters Corporate Governance Intelligence de 1987 à 2016). De plus, la réaction positive s’ajoute à l’appréciation des actions avant les annonces d’activisme. Selon le modèle de Maug (1998), les investisseurs activistes négocient un titre avant l’annonce pour constituer une participation, revendiquer le contrôle et tirer profit de la création de valeur. On peut également soutenir qu’il doit y avoir une fuite d’informations sur l’implication des activistes, ce qui fait grimper le titre avant même la première annonce publique. Il y a une légère inertie après l’annonce: dans le mois qui a suivi l’annonce de l’activiste, les cours des actions cibles ont augmenté de 0,6% en moyenne par rapport au marché.

Exemple de Procter&Gamble et Nelson Peltz

Voilà donc pour les stratégies des investisseurs activistes. J’espère que l’article vous été utile et intéressant, n’hésitez pas à partager l’article, à souscrire, et à échanger avec moi sur le sujet @slimanimehdi1 sur Twitter.

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Le scandale des Savings&Loans de 1989

La crise des caisses d’épargne et de crédit (Savings&Loans) des années 1990 a été une catastrophe financière significative qui a eu des conséquences considérables pour les États-Unis. Elle peut nous éclairer sur la crise des banques régionales que nous connaissons actuellement.

Leçons à tirer pour la crise actuelle des banques régionales

Introduction:

La crise des caisses d’épargne et de crédit (Savings&Loans) des années 1990 a été une catastrophe financière significative qui a eu des conséquences considérables pour les États-Unis. Elle peut nous éclairer sur la crise des banques régionales que nous connaissons actuellement. Cette période a été marquée par l’effondrement de nombreuses caisses d’épargne et de crédit, entraînant une crise économique généralisée. Tout a commencé avec le « lundi noir ». Après le crash boursier du 19 octobre 1987 (le seul jour de baisse de -20% ou plus de l’histoire), la Fed a réduit les taux de 75 points de base. Une fois la volatilité retombée, elle agit à nouveau de manière agressive pour éviter l’inflation à deux chiffres du début des années 1980, et augmente les taux de plus de 385 points de base, atteignant un pic de 9,75% au début de 1989. Ces hausses ont précipité la crise des Savings and Loan.

Le contexte historique

L’industrie des caisses d’épargne et de crédit (Savings&Loans) aux États-Unis était un élément vital du système financier, axée principalement sur la collecte de dépôts et l’octroi de prêts hypothécaires aux particuliers. La première caisse d’épargne a été créée en 1831, et pendant 40 ans, il y avait peu de caisses d’épargne, présentes uniquement dans quelques États du Midwest et de l’Est. Cette situation a changé à la fin du 19e siècle avec la croissance urbaine et la demande de logements liée à la Deuxième Révolution industrielle, ce qui a provoqué une explosion du nombre de caisses d’épargne. Dans les années 70-80’s, les S&L jouaient un rôle crucial dans la promotion de la propriété immobilière et la stimulation de la croissance économique.

À la fin des années 1970 et au début 80’s, des changements politiques visant à la déréglementation de l’industrie des caisses d’épargne et de crédit ont été mis en œuvre aux États-Unis. Ces changements comprenaient la suppression des plafonds de taux d’intérêt, permettant aux S&L d’offrir des taux d’intérêt plus élevés pour attirer les dépôts et concurrencer d’autres institutions financières. De plus, les restrictions sur les types de prêts que les S&L pouvaient accorder ont été assouplies, permettant des investissements plus risqués dans des projets immobiliers spéculatifs.

Les causes de l’effondrement

Ces institutions ont adopté des stratégies de prêt agressives, souvent sans évaluation adéquate des risques ou de garantie, ce qui a entraîné une accumulation d’actifs non performants. L’effondrement ultérieur des marchés immobiliers ont mené à l’accumulation de pertes financières importantes.

La volatilité des taux d’intérêt a également eu un impact négatif sur les S&L pendant la crise, car ils dépendaient fortement des prêts hypothécaires à taux fixe à long terme financés par des dépôts à court terme. Lorsque les taux d’intérêt ont rapidement augmenté, les S&L ont été confrontées à un déséquilibre de financement, gagnant moins d’intérêts sur les prêts hypothécaires tout en devant payer des taux plus élevés pour attirer des fonds. Cela a entraîné une rentabilité réduite et une instabilité financière, aggravant leurs difficultés financières et contribuant au trouble dans son ensemble.

Source: Federal Reserve

Lorsque le problème est devenu clairement apparent, le manque de surveillance et le laxisme règlementaire avait déjà créé un environnement malsain, propice à la fraude et aux malversations. Pour reconstituer leurs marges, les S&L se sont compromis dans des activités illégales telles que des délits d’initiés, des détournements de fonds et des investissements spéculatifs. Le manque de supervision du régulateur a permis à la crise de s’aggraver, entraînant des pertes insoutenables pour les institutions financières.

Les efforts de résolution

La Federal Savings and Loan Insurance Corporation (FSLIC) a fermé ou saisi 296 établissements de 1986 à 1989. L’effondrement des marchés immobiliers et la détérioration des portefeuilles de prêts ont conduit de nombreuses S&L à l’insolvabilité. Le fardeau est donc retombé sur les contribuables, qui ont finalement financé un plan de sauvetage avec la création de la Resolution Trust Corporation (RTC). La RTC a fermé ou saisi 747 établissements de 1989 à 1995, pour une valeur estimée autour de 400 milliards de dollars. La crise a entraîné la faillite de 32 % (1 043 sur 3 234) des caisses d’épargne et de crédit (S&L) de 1986 à 1995. Les pertes financières subies par les institutions S&L au cours de la crise ont atteint un total estimé de 160 milliards de dollars. Le plan de sauvetage financé par les contribuables s’est élevé à environ 124 milliards de dollars. L’un des sauvetages financiers les plus coûteux de l’histoire des États-Unis.

 Bank and savings & loan (S&L) failures since 1970 are often part of recessions
Source: FannieMae

Des conséquences sur l’économie dans son ensemble

Tout d’abord, l’effondrement des marchés immobiliers. La chute des valeurs immobilières et la surabondance de biens saisis ont entraîné une baisse sévère des marchés immobiliers. La défaillance de nombreuses institutions S&L ont entraîné des pertes d’emplois dans l’industrie financière. La crise a contribué à une récession économique plus large, caractérisée par une baisse de la consommation, des faillites d’entreprises, une réduction de l’investissement et des pertes d’emplois importantes, notamment dans les secteurs de la construction et de l’immobilier.

L’économie américaine a connu une récession qui a duré 8 mois de juillet 1990 à Mars 1991.

Les années 90 ont été marqués par un épisode de Crédit Crunch. Etonnement, il était plus visible sur les entreprises et les ménages que sur le secteur immobilier.

Le crédit immobilier s’est stabilisé sans décliner significativement :

Les crédit aux consommateurs a connu un déclin qui a duré près de 3 ans

Le crédit aux sociétés commerciales et industrielles a décliné prés de 4 ans

Le marché action a résisté, certainement porté par d’autres catalyseurs :

Cependant, comme nous pouvons le voir dans le graphique du S&P500 ci-dessous, malgré l’émergence de la crise (290 banques en faillite entre 86 et 89), le marché actions US a connu une hausse saine de 70% entre le creux de 87 et le pic de 90. Lorsque l’effondrement s’est généralisé fin 89, il a érodé la confiance des investisseurs dans le secteur financier, entraînant une volatilité des marchés et une baisse de la liquidité. Il plonge de prés de 20% à l’avènement de la récession en Juillet 90 et baisse jusqu’en Octobre 90 avant de reprendre une tendance haussière forte jusqu’en 2000

Qu’apprenons nous de la crise des S&L que nous devrions prendre en compte dans la crise actuelle des banques régionales américaines :

  • La Réserve fédérale (FED) augmente toujours les taux jusqu’à ce qu’elle casse quelque chose.
  • Il a fallu 10 ans pour démêler la situation des S&L. La crise des banques régionales a commencé il y a 3 mois.
  • 32 % de l’industrie S&L a fait faillite. Il y a plus de 4200 Banques Régionales aujourd’hui aux USA.
  • La crise des S&L des années 1990 sert de rappel sur les dangers d’une réglementation laxiste.
  • L’absence de gestion des risques conduit toujours à des catastrophes financières.
  • Le marché ne réagit pas forcément à ce type de crise (qui comprend faillites bancaires, immobilières, credit crunch et chômage) par une dislocation comme en 1929 ou 2008. La crise du secteur a duré 10 ans, la récession 8 mois, mais le marché actions n’a réellement corrigé que 3 mois à l’avènement de la récession, entre Juillet et Octobre 1990, et « que » de 20%. L’ampleur des crises dépend des pouvoirs publics.
  • Une structure de résolution spécifique à la situation, appelée RTC, était nécessaire pour redresser ou fermer les banques en difficulté.
  • Un renflouement avec l’argent des contribuables à hauteur de 130 Mrds (dollars de 1990) était nécessaire pour absorber les pertes. Les dégâts en terme de destruction d’actifs est encore plus important, plus de 300 Milliards $.
  • Les caisses d’épargne (S&L) et les banques régionales avaient en commun une dépendance aux dépôts. La concurrence des marchés monétaires et des autres banques a affaibli leur position de liquidité.
  • Tout comme les caisses d’épargne ont investi massivement dans les hypothèques avant que les taux n’augmentent et que des faiblesses n’apparaissent dans l’immobilier, les banques régionales américaines ont prêté massivement dans l’immobilier commercial avant que la même forme de retournement de fortune ne se manifeste.

Voilà donc pour la crise des Savings&Loans, et ce qu’elle peut nous apprendre sur la crise actuelle. J’espère que l’article vous été utile et intéressant, n’hésitez pas à partager l’article, à souscrire, et à échanger avec moi sur le sujet @slimanimehdi1 sur Twitter.

Marché Actions : Pétrole, un canari dans la mine ?

L’OPEP a ignoré la pression politique et commerciale qui l’incitait à augmenter sa production de pétrole afin d’atténuer le resserrement du marché. Risquons-nous de manquer de pétrole ?

Après le charbon et le gaz, risquons-nous de manquer de pétrole ?

Mercredi 06 Octobre 2021,

La réunion de l’OPEP n’aurait duré que 25 minutes

L’OPEP a décidé d’ignorer la pression politique et commerciale qui l’incitait à augmenter sa production de pétrole afin d’atténuer le resserrement du marché.

Le groupe de 23 membres a déclaré le 04 Octobre dans un communiqué que beaucoup de médias ont qualifié de laconique, tenant en 10 lignes, et sans conférence de presse, qu’il augmenterait sa production d’un modeste 400 000 barils par jour en novembre, soit moins de 0,5 % de la demande mondiale. Plusieurs observateurs et analystes espéraient 400 000 barils/j supplémentaires (en sus des 400k/j décidés depuis Juillet).

Selon les analystes, le groupe est plus prudent dans ses perspectives que certains observateurs de l’industrie, qui voient la demande de pétrole dépasser largement l’offre dans les mois à venir. Un changement de politique aurait pu se heurter à une opposition de certains pays membres et ouvrir la voie à de nouvelles négociations sur les quotas des producteurs qui souhaiteraient des plafonds plus élevés. Une négociation que le prince Abdulaziz bin Salman, le ministre saoudien du pétrole, voulait très probablement éviter.

D’un autre côté, les appels pour ouvrir les vannes sont de plus en plus fortes. Des signes de détresse apparaissent sur les marchés de l’énergie :
  • La Chine manque de Charbon. Avec la détérioration des relations sino-australiennes, la Chine a cessé d’importer du charbon d’Australie et se tourne désormais vers l’Indonésie et la Mongolie. Mais, du fait du Covid-19, le trafic avec cette dernière a été perturbé. Les prix ont donc tendance à croître, au plus haut historique de 228$ la tonne.

https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/09/28/la-chine-subit-les-plus-importantes-penuries-d-electricite-de-son-histoire-recente_6096277_3234.html

  • Avec la flambée des prix du gaz en Asie et en Europe, plusieurs pays se tournent vers le pétrole pour la génération d’électricité. Le même jour de l’annonce de l’OPEP (le 04/10/2021), Saudi Aramco a déclaré que la crise du gaz naturel stimulait déjà la demande de pétrole. La consommation de brut a augmenté d’environ 500 000 barils par jour, selon Amin Nasser, directeur général d’Aramco. Cela correspond à peu près à la production totale du Venezuela, membre de l’OPEP selon l’article du worldoil.com.

https://www.worldoil.com/news/2021/10/4/saudi-aramco-reports-higher-oil-demand-from-natural-gas-crisis

Source: Refinitiv/IEA
  • À la suite de la guerre contre le pétrole de schistes américain mené par l’Arabie saoudite en 2020, les producteurs américains sont restés disciplinés dans leurs investissements. Et les dommages causés par l’ouragan Ida en août aux infrastructures pétrolières et gazières dans le golfe du Mexique ont annulé une partie de l’impact des récentes augmentations de production de l’OPEP+.  La production dans le Golfe du Mexique est estimée à 600 K/bj en dessous de ses capacités.

Conséquence: Le déficit de l’offre par rapport à la demande est désormais évalué à 900 K/j pour le T4 2021, contre 600 k/J au T3 2021. A un moment où les stocks de l’OCDE sont de prés de 100 Million de barils en dessous de leur moyenne 2015-2019.

Source: OCDE/Refinitiv
Une nouvelle brique dans le mur d’inquiétudes pour le marché actions européen :

La décision des pays de l’OPEP de ne pas bouger ajoute un nouveau problème au mur d’inquiétudes :

  • Immobilier Chinois avec Evergrande et Fantasia Holdings
  • Power Crunch en Chine et en Europe
  • Tapering de la banque centrale Américaine et hausse des taux américains au dessus de 1.5%.
  • Commandes à l’Industrie Allemande en baisse de 8% en Aout.
  • Pression sur les émergents liée à la hausse du dollar.
  • Turbulences dans les chaines d’approvisionnement

Le pétrole progresse de plus de 100% en 1 an, et la stabilisation entre 70$ et 80$ tant espérée s’éloigne de jour en jour. Les compagnies pétrolières maintiennent leurs investissements dans l’Upstream à des niveaux réduits, et poursuivent leurs efforts pour la transition vers de nouvelles sources durables. Mais le système énergétique mondial reste dépendant à 80% des énergies fossiles, et pour limiter le réchauffement climatique, il semblerait que le pic d’investissement dans le pétrole ait largement précédé le pic de la demande.

Cours du Brent 2010-2021
Source: Refinitiv Desktop

Présent dans tous les process industriels, il pourrait alimenter un nouveau round d’inflation, mettre sous pression le pouvoir d’achat des ménages, dont l’humeur commence déjà à être impacté par les hausses des prix et les pénuries.

Les inquiétudes vis-à-vis de la stagflation augmentent. Les banques centrales pourraient se retrouver acculées. L’inflation est leur principale mission, et force est de constater que le caractère transitoire de cette dernière se révèle de plus en plus long. L’esprit de Paul Volcker est toujours vivant, Ils n’auront d’autre choix que de changer de stratégie si leur analyse de l’inflation s’avère erronée.

Le pétrole et le Feedback loop

Les mouvements de ce type sur le pétrole ont été par le passé des signaux de soucis à venir (2008, 2015, 2018). Le marché actions européen reste constructif à ce jour, nous constatons plus des rotations sectorielles (Value = Finance+Energy), des repositionnements, et pas de ventes panique. Le mur d’inquiétudes devrait à terme s’estomper (comme toujours), et les perspectives de croissance devraient s’améliorer avec l’accélération des dépenses d’investissement liée aux plans de relance US/Europe.

On aime dire que le meilleur remède contre un pétrole cher est un pétrole cher. Une hausse du prix au-dessus de 90 dollars le baril pourrait impacter négativement la demande et générer une réaction politique assez forte, surtout aux Etats Unis. L’OPEP+ pourrait être confrontée à plus de pression en faveur d’augmentations plus importantes lors de la prochaine réunion, prévue le 4 novembre.

En attendant, les catalyseurs à court terme semblent assez rares, et la prudence reste de mise au niveau des investisseurs internationaux.

Des bulles et des crises

Statistiques: Que se passe-t-il quand le marché crash?

Statistiques: Que se passe-t-il quand le marché crash?

Le présent article analyse les résultats empiriques issus d’une étude de l’institut CFA publiée dans le livre « FINANCIAL MARKET HISTORY, Reflections on the past for investors today », édité par David Chamber et Elroy Dimson. Dans la partie 3, Bubble and crises, William Goetzmann (@WGoetzmann) explore les différentes crises boursières de l’histoire afin de pouvoir définir et tirer les leçons politiques et économiques de ces événements extrêmes. Dans cet ouvrage il présente des preuves empiriques tirées de plus d’un siècle de données sur les marchés boursiers mondiaux (21 pays, plusieurs indices par pays, 3390 années analysées).

Alors, afin de poser le débat, définissons une bulle : Une bulle est conditionnelle à un Boom de marché suivi par un crash de ce marché

Un Boom est définit comme:

  • Soit une hausse de plus de 100% durant une année
  • Ou une hausse de 100% durant une période de 3 ans

Un crash est définit comme:

  • Soit une baisse de plus de 50% l’année suivant le Boom
  • Une baisse de plus de 50% sur une période de 5 ans suivant le boom

Goetzmann constate que la fréquence des bulles est assez faible. La fréquence inconditionnelle des bulles dans les données est de 0,3 à 1,4 %, selon la définition d’une bulle.

Non seulement les bulles sont rares, mais elles sont également conditionnées à un boom du marché. Les crashs qui ont rendu des gains antérieurs n’ont eu lieu que 10 % du temps. Les prix du marché étaient plus susceptibles de doubler à nouveau après un boom des prix de 100 %.

Les premières bulles financières ont précédé le développement des marchés organisés. Stuart Jenks (2010) documente la première bulle sur la compagnie minière allemande Kuxe à la fin du 15ème siècle: Des fractions de parts dans les mines d’argent des montagnes du Harz s’échangeaient librement dans ce qu’on appelaient des foires financières, s’achetaient à crédit, et possédaient même des produits dérivés ressemblant aux options. Leurs prix pouvaient fluctuer dramatiquement durant ces foires financières.

Question 1:

Scénario 1: Une hausse de plus de 100% sur une année.

Sous ce scénario:

•La fréquence d’un crash après un boom est assez faible, 4,2% de chance que le marché s’éffondre.

•Après 5 ans, la fréquence d’un crash augmente sensiblement, mais avec une probabilité de 15%, ça reste insuffisant pour qu’un investisseur intègre systématiquement ce risque.

•La probabilité que le marché redouble de valeur sur les 5 ans suivants est bien plus forte à 26%.

Scénario 2: Une hausse de plus de 100% sur une période de 3 ans.

Sous ce scénario:

  • La fréquence d’un crash après un boom reste faible, 4,6% de chance que le marché s’effondre.
  • Après 5 ans, la fréquence d’un crash augmente sensiblement, mais avec une probabilité de 10%, ça reste insuffisant pour qu’un investisseur intègre systématiquement ce risque.
  • La probabilité que le marché redouble de valeur sur les 5 ans suivants est bien plus forte à 21%.

Question 2: Si vous arrivez après le Crash

Scénario 3: Une Baisse de plus de 50% sur une année.

Sous ce scénario:

  • La fréquence d’un rebond de 100% après un crash est 2x plus forte que celle d’une poursuite du crash.
  • Après 5 ans, la fréquence d’un boom augmente sensiblement, avec une probabilité de 36% de doubler de valeur, la statistique mérite l’attention de l’investisseur.

Scénario 4: Une baisse de plus de 50% sur une période de 3 ans

Sous ce scénario:

  • La fréquence d’un rebond de 100% après un crash est 2x plus forte que celle d’une poursuite du crash.
  • Après 5 ans, la fréquence d’un boom augmente fortement, avec une probabilité de 47% de doubler de valeur, il faut carrément montrer dans le wagon.

Le cycle économique et la bourse

Comment se comportent les marchés dans les différentes phases du cycle macro-économique?
Une synthèse

Comment se comportent les marchés dans les différentes phases du cycle macro-économique:

Outre le cycle des stocks, il existe un cycle plus long, souvent d’une durée de 9 à 11 ans, appelé cycle économique. Le cycle économique représente les fluctuations du PIB par rapport à la croissance tendancielle à long terme. Un cycle économique typique comporte cinq phases : une Creux/reprise initiale, un début d’expansion, une expansion tardive/ Haut de cycle, un ralentissement et une récession.

EconomiePolitique monétaire et fiscaleConfianceMarchés de capitaux
Creux/reprise initiale.L’inflation continue de baisserPolitiques fiscales de stimulationLa confiance commence à rebondirLes taux courts sont bas ou en baisse ; les rendements obligataires atteignent un plancher ; les cours boursiers sont en forte hausse
Début d’expansionUne croissance économique saine ; l’inflation reste faible Accroître la confianceHausse des taux courts ; stabilité ou légère hausse des rendements obligataires ; tendance à la hausse des cours boursiers
Fin d’expansion/ Haut de cycleL’inflation reprend progressivementLa politique devient restrictiveUne mentalité de boomHausse des taux courts ; hausse des rendements obligataires ; plafonnement des actions, souvent volatiles
RalentissementL’inflation continue de s’accélérer ; la correction des stocks commence La confiance baisseLes taux d’intérêt à court terme atteignent un sommet ; les rendements des obligations plafonnent et commencent à baisser ; les actions diminuent
RécessionBaisse de la production ; pic de l’inflation Confiance faibleBaisse des taux courts ; baisse des rendements obligataires ; les actions atteignent un plancher puis commencent à remonter

Reprise initiale :

Il s’agit habituellement d’une courte phase de quelques mois au cours de laquelle l’économie se remet de son ralentissement ou de sa récession. En général, la confiance des entreprises augmente, bien que celle des consommateurs puisse encore être faible puisque le chômage est encore élevé. Dans la phase initiale de reprise, il y a souvent des politiques économiques stimulantes de la part du gouvernement sous la forme de taux d’intérêt plus bas ou d’un déficit budgétaire. La reprise du cycle économique est généralement soutenue par une remontée simultanée du cycle des stocks, qui est parfois la principale cause de la reprise. L’inflation continuera de baisser dans la phase initiale de reprise. L’écart de production est encore important.

Effets sur les marchés de capitaux :

Les rendements des obligations d’État pourraient continuer à baisser durant cette phase en prévision d’un nouveau recul de l’inflation, mais ils atteignent un plancher. Les marchés boursiers connaissent une forte hausse à ce stade, car les craintes d’une récession plus longue (ou même d’une dépression) se dissipent. Les actifs cycliques – et les actifs plus risqués, tels que les petites actions, les obligations de sociétés à rendement élevé et les actions et obligations des marchés émergents – attirent les investisseurs et affichent de bons résultats.

 Début de l’expansion :

Après la période initiale de reprise, la confiance est en hausse et l’économie prend un certain élan. C’est la période la plus saine du cycle, en un sens, car la croissance économique peut être robuste sans aucun signe de surchauffe ou de forte hausse de l’inflation. En général, la confiance s’accroît, les consommateurs étant prêts à emprunter et à dépenser davantage lorsque le chômage commence à diminuer. Parallèlement, les entreprises accumulent des stocks et intensifient leurs investissements face à la vigueur des ventes et à l’utilisation accrue des capacités. La hausse des niveaux d’exploitation permet à de nombreuses entreprises de bénéficier de coûts unitaires moins élevés, de sorte que les bénéfices augmentent rapidement.

Effets sur les marchés financiers :

Une question clé est de savoir combien de temps il faudra avant que l’inflation ne commence à poser problème. Les taux à court terme augmentent à ce moment, car la banque centrale commence à retirer les mesures de stimulation mises en place pendant la récession. Les rendements des obligations à long terme restent stables ou augmentent légèrement. Les actions continuent d’afficher une tendance à la hausse. Cette phase dure généralement au moins un an et souvent plusieurs années si la croissance n’est pas trop forte et que l’écart de production se referme lentement.

L’expansion tardive :

À ce stade du cycle, l’écart de production s’est refermé et l’économie risque de surchauffer. La confiance est élevée ; le chômage est faible. L’économie peut croître rapidement. L’inflation commence à augmenter, les salaires accélérent à mesure que les pénuries de main-d’œuvre se développent.

Effets sur le marché des capitaux :

Généralement, les taux d’intérêt augmentent à mesure que les autorités monétaires deviennent restrictives. Tout emprunt important exerce une pression sur les marchés du crédit. Les banques centrales peuvent viser un  » atterrissage en douceur « , c’est-à-dire une période de croissance plus lente pour refroidir l’économie, mais pas un ralentissement majeur. Les marchés obligataires observent ce comportement avec anxiété et les rendements obligataires augmentent généralement en raison de l’évolution des attentes. Les marchés boursiers sont souvent à la hausse, mais ils peuvent aussi être nerveux, selon la force du boom. Les investisseurs nerveux signifient que les actions sont volatiles.

Ralentissement :

À ce stade, l’économie ralentit, généralement sous l’effet de la hausse des taux d’intérêt. L’économie est particulièrement vulnérable à ce stade à un choc, qui peut transformer un  » atterrissage en douceur  » en une récession. La confiance des entreprises commence à vaciller. Malgré le ralentissement, l’inflation continue souvent d’augmenter. Le ralentissement est exacerbé par la correction des stocks, les entreprises essayant de réduire leurs niveaux de stocks. Cette phase peut durer quelques mois seulement, comme aux États-Unis en 2000, ou elle peut durer un an ou plus, comme aux États-Unis en 1989-1990 et en 2009-2011.

Effets sur les marchés financiers :

Les taux d’intérêt à court terme sont élevés et peuvent poursuivre leur au début, mais souvent pour atteindre un pic. Les obligations atteignent un sommet au premier signe de ralentissement de l’économie, puis se redressent fortement (baisse des rendements). La courbe des taux s’inverse souvent. Le marché boursier chute, les actions sensibles aux taux d’intérêt, comme les services publics et les services financiers, étant les plus performantes que le reste.

Récession

Une récession est généralement définie comme deux baisses trimestrielles successives du PIB. Il y a souvent un recul important des stocks et parfois une forte baisse des investissements des entreprises. Les dépenses de consommation pour les articles de grande valeur comme les voitures diminuent habituellement (bien que la récession américaine de 2001 ait été une exception). Une fois la récession confirmée, les banques centrales assouplissent leur politique monétaire, mais seulement avec prudence dans un premier temps. Les récessions durent généralement de six mois à un an. La confiance des consommateurs et des entreprises diminue. Les bénéfices baissent fortement. En cas de récession grave, le système financier peut être mis à rude épreuve par des créances irrécouvrables, ce qui rend les prêteurs extrêmement prudents. Souvent, les récessions sont ponctuées de faillites majeures, d’incidents de fraude découverts ou d’une crise financière. Le chômage peut augmenter rapidement, ce qui exerce une pression à la baisse sur l’inflation.

Effets sur les marchés de capitaux :

Les taux d’intérêt à court terme baissent pendant cette phase, tout comme les rendements des obligations. Le marché boursier commence généralement à monter dans les dernières phases de la récession, bien avant que la reprise ne se manifeste. La description donnée des cycles économiques est stylisée. Chaque cycle est différent en raison d’événements et de tendances spécifiques qui ne s’inscrivent pas dans le cadre du cycle économique stylisé. Les tendances qui ont influé sur le cycle économique des années 1990 à la fin des années 2000 comprennent l’importance croissante de la Chine sur les marchés mondiaux, le vieillissement de la population et la déréglementation des marchés. Des événements tels qu’une crise pétrolière ou financière peuvent brusquement faire passer l’économie à la phase suivante du cycle économique ou intensifier la phase actuelle.

Luckin Coffee: L’IPO génétiquement modifiée

Vendredi 17 Mai, Paris- C’est une réussite ! Luckin Coffee flambe de plus de 50% à Wall Street avant de clôturer à +20% ! L’entreprise a réussi à lever 560 m$, valorisant son capital à plus de 4Mrds$, en faisant le plus gros flottant d’une entreprise chinoise sur le marché américain.

Crée en 2017, Luckin Coffee se présente comme le pionnier d’un nouveau modèle de vente au détail axé sur la technologie. Grace à son application mobile, Luckin dépend énormément sur la vente à emporter et la livraison.

Contrairement à Starbucks, dont les commerces sont des lieux de réunion confortables, Luckin ouvre des petits commerces où on peut se renseigner des dernières promotions et emporter sa commande.

Au pays du Thé, Luckin s’attaque à un marché dont la croissance peut être exceptionnelle. Surtout que la livraison de repas et de courses est très populaire en Chine. Le marché du café est passé de 2.7 à 8.7 Mrds $ en seulement 5 ans! Et la tendance ne semble pas s’essouffler.

Une nouvelle Licorne dans l’univers « New Retail » Chinois.

Depuis quelques années, la montée en puissance des start-ups chinoises est d’une ampleur inégalée, et leur niveau de consommation de cash atteint des niveaux à en faire pâlir la Silicon Valley. Que ce soit l’explosion des offres de mobilité courte, avec des millions de vélos et trottinettes qui envahissent les villes chinoises, ou la livraison des repas et courses qui colorent les rues de Pékin de gilets verts et bleus, couleurs des entreprises dominantes sur ce marché, la chine est devenue une usine à Start-ups, peu importe la viabilité de leur modèle.

D’ailleurs, plusieurs de ces start-up ont soi revu à la baisse leurs ambitions, soit acté l’échec de leur Business model (Vélos et trottinettes partagées).

Avec le ralentissement économique chinois et les tensions avec les USA, les sources de financement pour ces start-ups commencent à se tarir, même si Luckin démontre que le pays est encore capable de surprendre.

Luckin, comme plusieurs autres start-ups chinoises, ressemble à un clone d’un modèle qui fonctionne déjà (Starbucks), et ne suit pas le chemin traditionnel de croissance.

Une IPO génétiquement modifiée.

Luckin n’est pas une entreprise comme les autres. Généralement, en entreprenariat, on commence petit puis on grandit. La croissance est liée à sa réussite commerciale, et l’expansion se fait au rythme des profits et des capacités de financement.

Pas pour Luckin, qui se positionne comme un grand groupe dès sa première année d’existence. En bas âge, Luckin est déjà grand. Soutenu par de grands investisseurs (BlackRock, Centurium Capital, Joy Capital), il se développe à une vitesse fulgurante. En un peu plus d’un an, la société a séduit 17 millions de clients et ouvert près de 2400 commerces dans 28 villes chinoises. En comparaison, Starbucks a 3600 commerces, ouverts sur une période de 20 ans (le premier Starbucks a ouvert en 1999 en Chine).

Pas besoin d’attendre que le business model fasse ses preuves, l’objectif est clair, déloger Starbucks de sa position de leader dans le pays, le plus tôt possible. Les dirigeants y croient, malgré la puissance du modèle de Starbucks, ils citent la dominance de Costa Cafe aux UK et Tim Horton au Canada pour démontrer que le leadership de Starbucks n’est pas une fatalité. A fin 2018, Starbucks détenait 50% du marché du café contre 2% pour Luckin (5% pour Mc Café).

En ligne avec sa vision, Luckin ne vient pas chercher que de l’argent en bourse. Son introduction fait partie de sa stratégie commerciale. Aux côtés de la levée de fonds qui va lui fournir les moyens de son développement, l’entreprise vient également y chercher une notoriété, et une valorisation de la marque, centrale pour Luckin. Et sur ce plan, l’IPO est une réussite totale.

Comment acquérir des clients aussi vite : Les acheter.

Peng aime se rendre vers le Luckin en bas de son bureau pour prendre son shot de caféine. « Luckin n’est pas aussi bon que Starbucks », dit-il, « mais on en a pour son argent », « Le prix est vraiment plus faible ».

En effet, Luckin est aujourd’hui beaucoup moins cher que Starbucks, moitié moins cher.

Si le prix du café à la carte est quelque peu semblable à celui de Starbucks (3.5$ contre 4$), le consommateur paye très rarement le prix affiché. Les promotions à -50% sont quotidiennes. Si vous téléchargez l’application, votre premier café est gratuit. Et si vous parrainez un ami sur l’appli, est bien vous avez le droit à un café gratuit également.

Parmi les promotions actuellement en cours, les consommateurs sont encouragés à acheter 7 articles ou plus par semaine, leur permettant d’intégrer un pool de consommateurs similaires. A la fin de la semaine, chaque membre du pool recevra une réduction pour un total de 5 millions de Renminbi (640 000€). Cela équivaut à un retour de 3.5€ à chaque consommateur. Le programme 10 semaines promet un retour de plus de 6 millions € aux consommateurs. Les chinois adorent ces coupons et promotions.

Ces offres rognent les résultats de l’entreprise. Pour 241 millions $ de Chiffres d’Affaires, elle a publié une perte nette de 475 millions de $.

Le compte de résultat de l’entreprise est assez remarquable. Le chiffre d’affaire ne couvre même pas le coût de production (132% du CA). Les comptes de l’entreprise sont dans le rouge dès la marge brute. Les dépenses administratives représentent 85% du CA. Et il y a deux fois plus de pertes que de chiffres d’affaires. C’est dire si le management va devoir travailler sur tous les fronts (fournisseurs, charges administratives, Marketing etc) pour améliorer ses marges.

Compte de resultat de Luckin Coffee. source: Reuters

Comment va-t-elle gagner de l’argent alors ?

Ces actions promotionnelles sont une forme de Dumping, puisque la société ne réussit même pas à dégager une marge Brute positive. Cette stratégie n’est clairement pas soutenable à terme. Il faut bien que l’entreprise commence à dégager des profits pour ses actionnaires. La stratégie de Luckin est différente de celle de Starbucks. Elle repose énormément sur l’Emporter/livraison ainsi que l’utilisation de son application. Cela dit, le produit Starbucks est également réputé de meilleure qualité et mieux packagé. Que les consommateurs chinois continuent de consommer Luckin une fois les prix revenus au niveau de Starbucks n’est pas clair.

Les tensions commerciales entre les USA et la Chine, et leur impact sur la perception du consommateur chinois peut soutenir Luckin dans son effort face à Starbucks. D’une autre part, la guerre froide Technologique qui s’ouvre entre les deux pays peut représenter un frein pour le développement de luckin. Les dirigeants, eux, affirment qu’ils vont continuer leur effort de promotions de renforcement de la marque, expliquant que l’amélioration des marges viendrait de la baisse des couts, alimenté par l’investissement dans la technologie. Pourquoi pas.

Une chose est sûre, les investisseurs doivent faire preuve de patience sur le pan des couts en raison de la courbe d’expérience du groupe. Malgré sa croissance, il faudra quelques temps avant que la logistique et les frais administratifs ne soient rodées.

 
 

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