Comment détecter les entreprises de qualité
En bourse, la qualité est un des facteurs les plus prisés par les investisseurs. Nous voulons tous que notre portefeuille soit composé de sociétés ‘Top qualita’.
En tant qu’analystes, notre métier consiste à adopter une approche systématique pour exploiter les informations contenues dans les rapports financiers, c’est notre principale matière première. L’analyste n’est pas le seul à exploiter ces données, divers décideurs utilisent des informations variées provenant des états financiers pour les aider à prendre des décisions. Cependant, nous avons tous un point commun : Notre principal intérêt est d’évaluer les capacités d’une entreprise à générer des flux de trésorerie (Cash Flows) futurs. Sans Cash, point de salut.
La qualité des bénéfices se rapporte à la durabilité et la persistance des résultats. La qualité est également « l’exactitude avec laquelle les états financiers d’une entreprise reflètent sa performance opérationnelle, et l’utilité de ces Etats financiers pour estimer les flux de trésorerie futurs ». Autrement dit, « Cash is King », peu m’importe que tu comptabilises un Chiffre d’Affaires de X millions, ce qui m’intéresse est 1) Si tu l’as encaissé, et 2) Si il est récurrent et prévisible.

Problèmes liés à l’évaluation des rapports financiers d’une entreprise :
Les normes comptables généralement admises (IFRS, USGAAP) et l’application des produits et charges non cash – qu’on appelle aussi « Accruals » (voir définition à la fin) – nécessitent l’usage du jugement et de la discrétion de la part de la direction. Que cette discrétion soit utilisée de manière neutre ou stratégique, elle est intégrée dans des postes clés des états financiers. Les études montrent que des niveaux élevés de produits et charges non cash conduisent à une plus faible persistance des bénéfices. Mais ces derniers ne peuvent pas être directement liés à une activité délibérée visant à influencer les publications des bénéfices, (dans le but de placer la direction dans une position favorable) (source : institut CFA). La direction d’une entreprise peut choisir de comptabiliser un chiffre d’affaires en avance, même par erreur (contrats long terme par ex.). Elle peut considérer que l’estimation des produits obsolètes dans les stocks est d’environ 5 %, alors que le niveau réel pourrait s’avérer être de 10 %. Ou encore considérer que la valeur en bilan d’une machine-outil est juste, alors qu’une dépréciation était nécessaire lors du test d’évaluation périodique. La subjectivité peut affecter de nombreux domaines des états financiers. La reconnaissance des revenus, la dépréciation, les choix d’inventaire, les pensions, la valorisation de l’actif/passif, etc.
En tant qu’analyste, il est très difficile d’affirmer avec certitude que ces erreurs d’estimation sont dû à un opportunisme stratégique. Mais peu m’importe finalement, le résultat est le même, une baisse de la fiabilité des rapports.
La direction a de nombreuses incitations pour agir sur ces postes. On peut citer la pression du cours de bourse ou les contrats tels que les clauses de dette (covenants). Les auditeurs, les régulateurs, les avocats et la surveillance du marché sont les différents mécanismes qui les aident à se discipliner.
Les bénéfices sont de haute qualité lorsque la performance affichée est persistante dans le temps, ce qui permet une meilleure estimation des flux de trésorerie futurs. Notre objectif est de sélectionner des actions présentant une meilleure qualité des bénéfices que leurs pairs.
Comment utiliser les agrégats dans l’évaluation de la qualité des bénéfices :
Retour des bénéfices vers la moyenne :
En évaluant les états financiers de l’entreprise, il y a une tendance empiriquement observée des bénéfices à revenir à un niveau normal/moyen. La concurrence croissante, les erreurs stratégiques, la raréfaction/migration du capital, des filiales peu performantes de l’entreprise peuvent être l’un des nombreux facteurs qui expliquent cette observation. Pour faire des prévisions, nous devons être conscients que des bénéfices très élevés ou très faibles ne sont pas censés se poursuivre à l’avenir. Les bénéfices actuels sont considérés comme déformés par rapport aux « bénéfices normalisés » en raison de divers choix comptables qui affectent la capacité de génération de flux de trésorerie. La séparation entre la composante de trésorerie et la composante non-cash permet une utilisation supérieure de l’information pour évaluer la durabilité des bénéfices et détecter les réversions vers la moyenne.
Il convient de :
(t = année en cours)
Evaluer la manière dont le bénéfice net est converti en trésorerie :
Agrégats non cash = Résultat Net t – (CF Opérationnel t + CF Investissement t)
Inclusion du CF (Cash Flow) d’investissement dans le calcul : dans le processus de valorisation, il n’y a que deux côtés, un côté opérationnel et un côté de financement. L’argent investi dans les actifs opérationnels est considéré comme une activité opérationnelle.
Évaluer l’accumulation d’actifs et d’inventaire
NOA = Net Operating Assets ou Actifs nets d’exploitation
NOA t = (Total des actifs t – Cash t) – (Total des passifs t – Total des dettes t)
Changement dans NOA = (NOAt – NOAt-1) / ((NOAt + NOAt-1)/2)
Une croissance des Actifs nets d’exploitation relativement plus forte que celle des résultats opérationnels est signe de baisse de qualité.
Variation des inventaires = (Inventaire t – Inventaire t-1) / (NOAt + NOAt-1) / 2
Une hausse des stocks relativement plus forte que celle des revenus est signe de baisse de qualité (Si en haut de cycle, de possible retournement à venir).
Variation des créances = (Créances t – Créances t-1) / (NOAt + NOAt-1) / 2
Une forte hausse des créances signale une baisse de la qualité des clients, et une hausse du risque de provisions pour créances irrecouvrables.
Variabilité des bénéfices : Ecarts-types des profits
Des profits en Yoyo n’est jamais un signal de qualité et de persistance.
ROE par rapport au marché : La qualité supérieure doit se traduire par une Rentabilité des capitaux propres supérieure à la moyenne disponible sur le marché. Sinon ça ne sert à rien.
Dette Nette : L’auto-financement est le moins couteux. Une variation forte de la dette peut altérer la structure du capital de l’entreprise et augmenter le WACC (ou CMPC = Cout Moyen Pondéré du Capital) et la charge financière en compte de résultat.

Investir dans l’avenir :
Les bénéfices durables peuvent également être évalués par les investissements des entreprises dans l’acquisition et la maintenance d’actifs productifs (CAPEX : Capital Expenditure). En général, les entreprises qui investissent leurs ressources financières dans leur propre activité sont considérées comme performantes par rapport à leurs concurrents. Une façon d’estimer la phase de croissance d’une entreprise est d’utiliser le ratio CAPEX/Amortissements. Ce ratio montre comment les entreprises investissent dans leurs actifs à long terme et se préparent pour l’avenir. Comme référence de bonne pratique, le ratio CAPEX/ Amortissements des entreprises américaines est d’environ 1,4 fois. Un ratio autour de ces niveaux est un signal de croissance saine et augmente la confiance dans les prévisions de flux de trésorerie futurs.
Comment un Investisseur résout cette problématique :
Un investisseur boursier n’a pas le temps de procéder à une analyse systématique de chaque entreprise. Certains (les pros) sont soutenus par des analystes, d’autres moins. Pour accélérer son processus de sélection, il procède par élimination. Un des moyens les plus utiles pour filtrer un univers est le Screener.
Tout d’abord, les entreprises ayant une faible solidité financière (20% de l’univers le plus endetté), et des perspectives de croissance médiocres (20%/30% de l’univers le moins dynamique). Les entreprises fortement endettées et qui ont la croissance la plus faible sont un premier filtre facile pour éviter les actions risquées, sources de mauvaises surprises. Ensuite, parmi les entreprises restantes, filtrer toutes celles dont la ROE relatif au marché est le plus faible et la volatilité des résultats la plus élevée (20% de l’univers restant). Enfin, mais là c’est personnel, je filtrerai les titres dont la tendance de prix est négative. Je ferais un dernier filtre basé sur le Momentum (20% de l’univers restant) pour éviter les titres qui ne performent pas en bourse. Tant que le marché ne les aime pas, je peux attendre.
Je propose des filtres à 20% de l’univers, mais il ne s’agit pas d’un chiffre figé. En fonction de vos attentes, on peut être plus ou moins astringent.

Sur ce qui reste, je peux m’attarder sur la capacité à générer des Cash Flows, la qualité des actifs circulants (clients, stocks), et l’investissement dans le futur (CAPEX/ Amortissements).
Et si nous n’avons pas le temps d’analyser les entreprises sur un tel niveau de granularité pour en distiller l’information relative à la qualité, nous nous reposons sur les fournisseurs d’indices boursier factoriels pour nous diriger.
Voilà donc pour le concept de qualité en bourse. J’espère que l’article vous été utile et intéressant, n’hésitez pas à me partager vos réflexions sur le sujet @slimanimehdi1 sur Twitter.