Investir en Bourse : Le concept de qualité

Comment détecter les entreprises de qualité

En bourse, la qualité est un des facteurs les plus prisés par les investisseurs. Nous voulons tous que notre portefeuille soit composé de sociétés ‘Top qualita’.

En tant qu’analystes, notre métier consiste à adopter une approche systématique pour exploiter les informations contenues dans les rapports financiers, c’est notre principale matière première. L’analyste n’est pas le seul à exploiter ces données, divers décideurs utilisent des informations variées provenant des états financiers pour les aider à prendre des décisions. Cependant, nous avons tous un point commun : Notre principal intérêt est d’évaluer les capacités d’une entreprise à générer des flux de trésorerie (Cash Flows) futurs. Sans Cash, point de salut.

La qualité des bénéfices se rapporte à la durabilité et la persistance des résultats. La qualité est également « l’exactitude avec laquelle les états financiers d’une entreprise reflètent sa performance opérationnelle, et l’utilité de ces Etats financiers pour estimer les flux de trésorerie futurs ». Autrement dit, « Cash is King », peu m’importe que tu comptabilises un Chiffre d’Affaires de X millions, ce qui m’intéresse est 1) Si tu l’as encaissé, et 2) Si il est récurrent et prévisible.

Source: MSCI Indices

Problèmes liés à l’évaluation des rapports financiers d’une entreprise :

Les normes comptables généralement admises (IFRS, USGAAP) et l’application des produits et charges non cash – qu’on appelle aussi « Accruals » (voir définition à la fin) – nécessitent l’usage du jugement et de la discrétion de la part de la direction. Que cette discrétion soit utilisée de manière neutre ou stratégique, elle est intégrée dans des postes clés des états financiers. Les études montrent que des niveaux élevés de produits et charges non cash conduisent à une plus faible persistance des bénéfices. Mais ces derniers ne peuvent pas être directement liés à une activité délibérée visant à influencer les publications des bénéfices, (dans le but de placer la direction dans une position favorable) (source : institut CFA). La direction d’une entreprise peut choisir de comptabiliser un chiffre d’affaires en avance, même par erreur (contrats long terme par ex.). Elle peut considérer que l’estimation des produits obsolètes dans les stocks est d’environ 5 %, alors que le niveau réel pourrait s’avérer être de 10 %. Ou encore considérer que la valeur en bilan d’une machine-outil est juste, alors qu’une dépréciation était nécessaire lors du test d’évaluation périodique. La subjectivité peut affecter de nombreux domaines des états financiers. La reconnaissance des revenus, la dépréciation, les choix d’inventaire, les pensions, la valorisation de l’actif/passif, etc.

En tant qu’analyste, il est très difficile d’affirmer avec certitude que ces erreurs d’estimation sont dû à un opportunisme stratégique. Mais peu m’importe finalement, le résultat est le même, une baisse de la fiabilité des rapports.

La direction a de nombreuses incitations pour agir sur ces postes. On peut citer la pression du cours de bourse ou les contrats tels que les clauses de dette (covenants). Les auditeurs, les régulateurs, les avocats et la surveillance du marché sont les différents mécanismes qui les aident à se discipliner.

Les bénéfices sont de haute qualité lorsque la performance affichée est persistante dans le temps, ce qui permet une meilleure estimation des flux de trésorerie futurs. Notre objectif est de sélectionner des actions présentant une meilleure qualité des bénéfices que leurs pairs.

Comment utiliser les agrégats dans l’évaluation de la qualité des bénéfices :

Retour des bénéfices vers la moyenne :

En évaluant les états financiers de l’entreprise, il y a une tendance empiriquement observée des bénéfices à revenir à un niveau normal/moyen. La concurrence croissante, les erreurs stratégiques, la raréfaction/migration du capital, des filiales peu performantes de l’entreprise peuvent être l’un des nombreux facteurs qui expliquent cette observation. Pour faire des prévisions, nous devons être conscients que des bénéfices très élevés ou très faibles ne sont pas censés se poursuivre à l’avenir. Les bénéfices actuels sont considérés comme déformés par rapport aux « bénéfices normalisés » en raison de divers choix comptables qui affectent la capacité de génération de flux de trésorerie. La séparation entre la composante de trésorerie et la composante non-cash permet une utilisation supérieure de l’information pour évaluer la durabilité des bénéfices et détecter les réversions vers la moyenne.

Il convient de :

(t = année en cours)

Evaluer la manière dont le bénéfice net est converti en trésorerie :

Agrégats non cash = Résultat Net t – (CF Opérationnel t + CF Investissement t)  

Inclusion du CF (Cash Flow) d’investissement dans le calcul : dans le processus de valorisation, il n’y a que deux côtés, un côté opérationnel et un côté de financement. L’argent investi dans les actifs opérationnels est considéré comme une activité opérationnelle.

Évaluer l’accumulation d’actifs et d’inventaire

NOA = Net Operating Assets ou Actifs nets d’exploitation

NOA t = (Total des actifs t – Cash t) – (Total des passifs t – Total des dettes t)

Changement dans NOA = (NOAt – NOAt-1) / ((NOAt + NOAt-1)/2)

Une croissance des Actifs nets d’exploitation relativement plus forte que celle des résultats opérationnels est signe de baisse de qualité.

Variation des inventaires = (Inventaire t – Inventaire t-1) / (NOAt + NOAt-1) / 2

Une hausse des stocks relativement plus forte que celle des revenus est signe de baisse de qualité (Si en haut de cycle, de possible retournement à venir).

Variation des créances = (Créances t – Créances t-1) / (NOAt + NOAt-1) / 2

Une forte hausse des créances signale une baisse de la qualité des clients, et une hausse du risque de provisions pour créances irrecouvrables.

Variabilité des bénéfices : Ecarts-types des profits

Des profits en Yoyo n’est jamais un signal de qualité et de persistance.

ROE par rapport au marché : La qualité supérieure doit se traduire par une Rentabilité des capitaux propres supérieure à la moyenne disponible sur le marché. Sinon ça ne sert à rien.

Dette Nette : L’auto-financement est le moins couteux. Une variation forte de la dette peut altérer la structure du capital de l’entreprise et augmenter le WACC (ou CMPC = Cout Moyen Pondéré du Capital) et la charge financière en compte de résultat.

Investir dans l’avenir :

Les bénéfices durables peuvent également être évalués par les investissements des entreprises dans l’acquisition et la maintenance d’actifs productifs (CAPEX : Capital Expenditure). En général, les entreprises qui investissent leurs ressources financières dans leur propre activité sont considérées comme performantes par rapport à leurs concurrents. Une façon d’estimer la phase de croissance d’une entreprise est d’utiliser le ratio CAPEX/Amortissements. Ce ratio montre comment les entreprises investissent dans leurs actifs à long terme et se préparent pour l’avenir. Comme référence de bonne pratique, le ratio CAPEX/ Amortissements des entreprises américaines est d’environ 1,4 fois. Un ratio autour de ces niveaux est un signal de croissance saine et augmente la confiance dans les prévisions de flux de trésorerie futurs.

Comment un Investisseur résout cette problématique :

Un investisseur boursier n’a pas le temps de procéder à une analyse systématique de chaque entreprise. Certains (les pros) sont soutenus par des analystes, d’autres moins. Pour accélérer son processus de sélection, il procède par élimination. Un des moyens les plus utiles pour filtrer un univers est le Screener.

Tout d’abord, les entreprises ayant une faible solidité financière (20% de l’univers le plus endetté), et des perspectives de croissance médiocres (20%/30% de l’univers le moins dynamique). Les entreprises fortement endettées et qui ont la croissance la plus faible sont un premier filtre facile pour éviter les actions risquées, sources de mauvaises surprises. Ensuite, parmi les entreprises restantes, filtrer toutes celles dont la ROE relatif au marché est le plus faible et la volatilité des résultats la plus élevée (20% de l’univers restant). Enfin, mais là c’est personnel, je filtrerai les titres dont la tendance de prix est négative. Je ferais un dernier filtre basé sur le Momentum (20% de l’univers restant) pour éviter les titres qui ne performent pas en bourse. Tant que le marché ne les aime pas, je peux attendre.

Je propose des filtres à 20% de l’univers, mais il ne s’agit pas d’un chiffre figé. En fonction de vos attentes, on peut être plus ou moins astringent.

Sur ce qui reste, je peux m’attarder sur la capacité à générer des Cash Flows, la qualité des actifs circulants (clients, stocks), et l’investissement dans le futur (CAPEX/ Amortissements).

Et si nous n’avons pas le temps d’analyser les entreprises sur un tel niveau de granularité pour en distiller l’information relative à la qualité, nous nous reposons sur les fournisseurs d’indices boursier factoriels pour nous diriger.

Voilà donc pour le concept de qualité en bourse. J’espère que l’article vous été utile et intéressant, n’hésitez pas à me partager vos réflexions sur le sujet @slimanimehdi1 sur Twitter.

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Comprendre l’inflation

Un fiche descriptive rapide concernant l’inflation.

Qu’est-ce que l’inflation

Selon l’Insee, « L’inflation est la perte du pouvoir d’achat de la monnaie qui se traduit par une augmentation générale et durable des prix ».

Elle doit être distinguée de l’augmentation du coût de la vie. La perte de valeur des unités de monnaie est un phénomène qui frappe l’économie nationale dans son ensemble, sans discrimination entre les catégories d’agents.

Pour évaluer le taux d’inflation on utilise l’indice des prix à la consommation (IPC). Cette mesure n’est pas complète, le phénomène inflationniste couvrant un champ plus large que celui de la consommation des ménages. »

Si le niveau des prix augmente d’un seul coup mais ne continue pas à augmenter, l’économie ne connaît pas d’inflation. Une augmentation du prix d’un seul bien ou des prix relatifs de certains biens n’est pas de l’inflation. Si l’inflation est présente, les prix de presque tous les biens et services augmentent.

L’inflation érode le pouvoir d’achat d’une monnaie. Elle favorise les emprunteurs au détriment des prêteurs parce que lorsque l’emprunteur rembourse le principal au prêteur, il vaut moins en termes de biens et de services (en termes réels) qu’il ne valait lorsqu’il a été emprunté. L’inflation qui s’accélère de façon incontrôlable est appelée hyperinflation, qui peut détruire le système monétaire d’un pays et provoquer des bouleversements sociaux et politiques.

Le taux d’inflation est le pourcentage d’augmentation du niveau des prix, généralement par rapport à l’année précédente. Les analystes peuvent utiliser le taux d’inflation comme un indicateur du cycle économique et pour anticiper les changements de politique monétaire de la banque centrale. L’un des objectifs des banques centrales est de maintenir l’inflation à l’intérieur d’une certaine fourchette cible. La désinflation désigne un taux d’inflation qui diminue au fil du temps mais qui demeure supérieur à zéro.

Un niveau des prix qui diminue de façon persistante (c’est-à-dire un taux d’inflation négatif) est appelé déflation. La déflation est généralement associée à des récessions profondes. Lorsque la plupart des prix diminuent, les consommateurs retardent leurs achats parce qu’ils croient qu’ils pourront acheter les mêmes biens à meilleur marché dans l’avenir. Pour les entreprises, la déflation se traduit par une diminution des revenus et une augmentation des coûts fixes réels.

Pour mesurer l’inflation, on utilise L’indice des prix à la consommation (IPC) :

« L’indice des prix à la consommation (IPC) est l’instrument de mesure de l’inflation. Il permet d’estimer, entre deux périodes données, la variation moyenne des prix des produits consommés par les ménages.

Il est basé sur l’observation d’un panier fixe de biens et services, actualisé chaque année. Chaque produit est pondéré, dans l’indice global, proportionnellement à son poids dans la dépense de consommation des ménages.

Il est publié chaque mois au Journal Officiel. L’indice des prix hors tabac sert à indexer de nombreux contrats privés, des pensions alimentaires, des rentes viagères et aussi à indexer le SMIC. »

Quels sont les types d’inflation :

Les deux types d’inflation sont la pression sur les coûts (Cost-Push) et les pressions de la demande (Demand-Pull). L’inflation par les coûts résulte d’une diminution de l’offre globale, tandis que l’inflation par la demande résulte d’une augmentation de la demande globale.

Inflation Cost-Push

L’inflation peut résulter d’une diminution initiale de l’offre globale causée par une hausse du prix réel d’un important facteur de production, comme les salaires ou l’énergie.

Comme le travail est le coût de production le plus important, la pression salariale peut être une source d’inflation par poussée des coûts (parfois appelée inflation par poussée des salaires lorsqu’elle se produit). La pression à la hausse sur les salaires est plus susceptible de se produire lorsque le chômage cyclique est faible, mais elle peut se produire même en présence d’un chômage cyclique. Comme chaque individu fournit un type et une qualité de travail différents, certains segments de l’économie peuvent avoir du mal à trouver suffisamment de travailleurs qualifiés, même pendant une contraction. Par conséquent, le taux de chômage non accélérateur (NAIRU), aussi appelé taux de chômage naturel (NARU), peut être plus élevé que le taux associé à l’absence de chômage cyclique. Le taux de chômage naturel peut varier dans le temps et est probablement différent d’un pays à l’autre.

L’inflation Demand-Pull

L’inflation tirée par la demande peut résulter d’une augmentation de la masse monétaire, d’un accroissement des dépenses publiques ou de tout autre changement qui accroît la demande globale.

Des bulles et des crises

Statistiques: Que se passe-t-il quand le marché crash?

Statistiques: Que se passe-t-il quand le marché crash?

Le présent article analyse les résultats empiriques issus d’une étude de l’institut CFA publiée dans le livre « FINANCIAL MARKET HISTORY, Reflections on the past for investors today », édité par David Chamber et Elroy Dimson. Dans la partie 3, Bubble and crises, William Goetzmann (@WGoetzmann) explore les différentes crises boursières de l’histoire afin de pouvoir définir et tirer les leçons politiques et économiques de ces événements extrêmes. Dans cet ouvrage il présente des preuves empiriques tirées de plus d’un siècle de données sur les marchés boursiers mondiaux (21 pays, plusieurs indices par pays, 3390 années analysées).

Alors, afin de poser le débat, définissons une bulle : Une bulle est conditionnelle à un Boom de marché suivi par un crash de ce marché

Un Boom est définit comme:

  • Soit une hausse de plus de 100% durant une année
  • Ou une hausse de 100% durant une période de 3 ans

Un crash est définit comme:

  • Soit une baisse de plus de 50% l’année suivant le Boom
  • Une baisse de plus de 50% sur une période de 5 ans suivant le boom

Goetzmann constate que la fréquence des bulles est assez faible. La fréquence inconditionnelle des bulles dans les données est de 0,3 à 1,4 %, selon la définition d’une bulle.

Non seulement les bulles sont rares, mais elles sont également conditionnées à un boom du marché. Les crashs qui ont rendu des gains antérieurs n’ont eu lieu que 10 % du temps. Les prix du marché étaient plus susceptibles de doubler à nouveau après un boom des prix de 100 %.

Les premières bulles financières ont précédé le développement des marchés organisés. Stuart Jenks (2010) documente la première bulle sur la compagnie minière allemande Kuxe à la fin du 15ème siècle: Des fractions de parts dans les mines d’argent des montagnes du Harz s’échangeaient librement dans ce qu’on appelaient des foires financières, s’achetaient à crédit, et possédaient même des produits dérivés ressemblant aux options. Leurs prix pouvaient fluctuer dramatiquement durant ces foires financières.

Question 1:

Scénario 1: Une hausse de plus de 100% sur une année.

Sous ce scénario:

•La fréquence d’un crash après un boom est assez faible, 4,2% de chance que le marché s’éffondre.

•Après 5 ans, la fréquence d’un crash augmente sensiblement, mais avec une probabilité de 15%, ça reste insuffisant pour qu’un investisseur intègre systématiquement ce risque.

•La probabilité que le marché redouble de valeur sur les 5 ans suivants est bien plus forte à 26%.

Scénario 2: Une hausse de plus de 100% sur une période de 3 ans.

Sous ce scénario:

  • La fréquence d’un crash après un boom reste faible, 4,6% de chance que le marché s’effondre.
  • Après 5 ans, la fréquence d’un crash augmente sensiblement, mais avec une probabilité de 10%, ça reste insuffisant pour qu’un investisseur intègre systématiquement ce risque.
  • La probabilité que le marché redouble de valeur sur les 5 ans suivants est bien plus forte à 21%.

Question 2: Si vous arrivez après le Crash

Scénario 3: Une Baisse de plus de 50% sur une année.

Sous ce scénario:

  • La fréquence d’un rebond de 100% après un crash est 2x plus forte que celle d’une poursuite du crash.
  • Après 5 ans, la fréquence d’un boom augmente sensiblement, avec une probabilité de 36% de doubler de valeur, la statistique mérite l’attention de l’investisseur.

Scénario 4: Une baisse de plus de 50% sur une période de 3 ans

Sous ce scénario:

  • La fréquence d’un rebond de 100% après un crash est 2x plus forte que celle d’une poursuite du crash.
  • Après 5 ans, la fréquence d’un boom augmente fortement, avec une probabilité de 47% de doubler de valeur, il faut carrément montrer dans le wagon.

Le cycle économique et la bourse

Comment se comportent les marchés dans les différentes phases du cycle macro-économique?
Une synthèse

Comment se comportent les marchés dans les différentes phases du cycle macro-économique:

Outre le cycle des stocks, il existe un cycle plus long, souvent d’une durée de 9 à 11 ans, appelé cycle économique. Le cycle économique représente les fluctuations du PIB par rapport à la croissance tendancielle à long terme. Un cycle économique typique comporte cinq phases : une Creux/reprise initiale, un début d’expansion, une expansion tardive/ Haut de cycle, un ralentissement et une récession.

EconomiePolitique monétaire et fiscaleConfianceMarchés de capitaux
Creux/reprise initiale.L’inflation continue de baisserPolitiques fiscales de stimulationLa confiance commence à rebondirLes taux courts sont bas ou en baisse ; les rendements obligataires atteignent un plancher ; les cours boursiers sont en forte hausse
Début d’expansionUne croissance économique saine ; l’inflation reste faible Accroître la confianceHausse des taux courts ; stabilité ou légère hausse des rendements obligataires ; tendance à la hausse des cours boursiers
Fin d’expansion/ Haut de cycleL’inflation reprend progressivementLa politique devient restrictiveUne mentalité de boomHausse des taux courts ; hausse des rendements obligataires ; plafonnement des actions, souvent volatiles
RalentissementL’inflation continue de s’accélérer ; la correction des stocks commence La confiance baisseLes taux d’intérêt à court terme atteignent un sommet ; les rendements des obligations plafonnent et commencent à baisser ; les actions diminuent
RécessionBaisse de la production ; pic de l’inflation Confiance faibleBaisse des taux courts ; baisse des rendements obligataires ; les actions atteignent un plancher puis commencent à remonter

Reprise initiale :

Il s’agit habituellement d’une courte phase de quelques mois au cours de laquelle l’économie se remet de son ralentissement ou de sa récession. En général, la confiance des entreprises augmente, bien que celle des consommateurs puisse encore être faible puisque le chômage est encore élevé. Dans la phase initiale de reprise, il y a souvent des politiques économiques stimulantes de la part du gouvernement sous la forme de taux d’intérêt plus bas ou d’un déficit budgétaire. La reprise du cycle économique est généralement soutenue par une remontée simultanée du cycle des stocks, qui est parfois la principale cause de la reprise. L’inflation continuera de baisser dans la phase initiale de reprise. L’écart de production est encore important.

Effets sur les marchés de capitaux :

Les rendements des obligations d’État pourraient continuer à baisser durant cette phase en prévision d’un nouveau recul de l’inflation, mais ils atteignent un plancher. Les marchés boursiers connaissent une forte hausse à ce stade, car les craintes d’une récession plus longue (ou même d’une dépression) se dissipent. Les actifs cycliques – et les actifs plus risqués, tels que les petites actions, les obligations de sociétés à rendement élevé et les actions et obligations des marchés émergents – attirent les investisseurs et affichent de bons résultats.

 Début de l’expansion :

Après la période initiale de reprise, la confiance est en hausse et l’économie prend un certain élan. C’est la période la plus saine du cycle, en un sens, car la croissance économique peut être robuste sans aucun signe de surchauffe ou de forte hausse de l’inflation. En général, la confiance s’accroît, les consommateurs étant prêts à emprunter et à dépenser davantage lorsque le chômage commence à diminuer. Parallèlement, les entreprises accumulent des stocks et intensifient leurs investissements face à la vigueur des ventes et à l’utilisation accrue des capacités. La hausse des niveaux d’exploitation permet à de nombreuses entreprises de bénéficier de coûts unitaires moins élevés, de sorte que les bénéfices augmentent rapidement.

Effets sur les marchés financiers :

Une question clé est de savoir combien de temps il faudra avant que l’inflation ne commence à poser problème. Les taux à court terme augmentent à ce moment, car la banque centrale commence à retirer les mesures de stimulation mises en place pendant la récession. Les rendements des obligations à long terme restent stables ou augmentent légèrement. Les actions continuent d’afficher une tendance à la hausse. Cette phase dure généralement au moins un an et souvent plusieurs années si la croissance n’est pas trop forte et que l’écart de production se referme lentement.

L’expansion tardive :

À ce stade du cycle, l’écart de production s’est refermé et l’économie risque de surchauffer. La confiance est élevée ; le chômage est faible. L’économie peut croître rapidement. L’inflation commence à augmenter, les salaires accélérent à mesure que les pénuries de main-d’œuvre se développent.

Effets sur le marché des capitaux :

Généralement, les taux d’intérêt augmentent à mesure que les autorités monétaires deviennent restrictives. Tout emprunt important exerce une pression sur les marchés du crédit. Les banques centrales peuvent viser un  » atterrissage en douceur « , c’est-à-dire une période de croissance plus lente pour refroidir l’économie, mais pas un ralentissement majeur. Les marchés obligataires observent ce comportement avec anxiété et les rendements obligataires augmentent généralement en raison de l’évolution des attentes. Les marchés boursiers sont souvent à la hausse, mais ils peuvent aussi être nerveux, selon la force du boom. Les investisseurs nerveux signifient que les actions sont volatiles.

Ralentissement :

À ce stade, l’économie ralentit, généralement sous l’effet de la hausse des taux d’intérêt. L’économie est particulièrement vulnérable à ce stade à un choc, qui peut transformer un  » atterrissage en douceur  » en une récession. La confiance des entreprises commence à vaciller. Malgré le ralentissement, l’inflation continue souvent d’augmenter. Le ralentissement est exacerbé par la correction des stocks, les entreprises essayant de réduire leurs niveaux de stocks. Cette phase peut durer quelques mois seulement, comme aux États-Unis en 2000, ou elle peut durer un an ou plus, comme aux États-Unis en 1989-1990 et en 2009-2011.

Effets sur les marchés financiers :

Les taux d’intérêt à court terme sont élevés et peuvent poursuivre leur au début, mais souvent pour atteindre un pic. Les obligations atteignent un sommet au premier signe de ralentissement de l’économie, puis se redressent fortement (baisse des rendements). La courbe des taux s’inverse souvent. Le marché boursier chute, les actions sensibles aux taux d’intérêt, comme les services publics et les services financiers, étant les plus performantes que le reste.

Récession

Une récession est généralement définie comme deux baisses trimestrielles successives du PIB. Il y a souvent un recul important des stocks et parfois une forte baisse des investissements des entreprises. Les dépenses de consommation pour les articles de grande valeur comme les voitures diminuent habituellement (bien que la récession américaine de 2001 ait été une exception). Une fois la récession confirmée, les banques centrales assouplissent leur politique monétaire, mais seulement avec prudence dans un premier temps. Les récessions durent généralement de six mois à un an. La confiance des consommateurs et des entreprises diminue. Les bénéfices baissent fortement. En cas de récession grave, le système financier peut être mis à rude épreuve par des créances irrécouvrables, ce qui rend les prêteurs extrêmement prudents. Souvent, les récessions sont ponctuées de faillites majeures, d’incidents de fraude découverts ou d’une crise financière. Le chômage peut augmenter rapidement, ce qui exerce une pression à la baisse sur l’inflation.

Effets sur les marchés de capitaux :

Les taux d’intérêt à court terme baissent pendant cette phase, tout comme les rendements des obligations. Le marché boursier commence généralement à monter dans les dernières phases de la récession, bien avant que la reprise ne se manifeste. La description donnée des cycles économiques est stylisée. Chaque cycle est différent en raison d’événements et de tendances spécifiques qui ne s’inscrivent pas dans le cadre du cycle économique stylisé. Les tendances qui ont influé sur le cycle économique des années 1990 à la fin des années 2000 comprennent l’importance croissante de la Chine sur les marchés mondiaux, le vieillissement de la population et la déréglementation des marchés. Des événements tels qu’une crise pétrolière ou financière peuvent brusquement faire passer l’économie à la phase suivante du cycle économique ou intensifier la phase actuelle.

Comment détecter une récession

Bien que peu dynamique, nous vivons actuellement le plus long cycle d’expansion économique américaine de l’histoire. Si long que tout le monde s’inquiète de la possibilité d’une récession au cours des 12 prochains mois. La FED américaine estime sa probabilité à 1/3 dans les 12 prochains mois, alors que d’autres affirment que nous en connaissons déjà une (ils se pressent un peu).

Autant que nous le sachions, nous n’avons pas encore découvert de systèmes économiques exempts de récession. Nous évoluons encore dans des cycles, et une récession devrait éventuellement survenir. Mais comme le dit le vieil adage « les expansions ne meurent pas de vieillesse ». En général, les ralentissements économiques sont déclenchés par des chocs économiques comme une catastrophe (guerre ou autre), une bulle, une crise de la dette (privée ou souveraine) ou une crise monétaire.

Les économistes ne sont pas doués pour prédire les récessions et ont tendance à la reconnaître une fois qu’elle est bien entamée. Les approches les plus directes pour identifier les récessions sont peut-être appropriées aux cours d’histoire, mais pas très utiles pour l’élaboration de politiques ou de stratégies d’investissement. Par exemple, lorsque le NBER (National Bureau of Economic Research) a annoncé la récession en décembre 2008, elle avait déjà commencé pendant une année complète avant l’annonce.

Alors, comment un investisseur peut-il surveiller les marchés pour savoir si une récession est imminente ?

Je vous propose quelques indicateurs économiques qui ont été utiles dans le passé comme signaux d’alerte sur l’économie.

Taux de chômage

Le taux de chômage représente le nombre de chômeurs en pourcentage de la population active. Les chômeurs sont des personnes âgées de 16 ans et plus qui n’avaient pas d’emploi pendant la semaine de référence, étaient disponibles pour travailler, sauf en cas de maladie temporaire, et avaient fait des efforts particuliers pour trouver un emploi au cours de la période de quatre semaines se terminant avec la semaine de référence (définition américaine).

Taux de chômage selon OIT

Cet indicateur économique est au cœur des signaux de récession. Selon Ryan Nunn, Claudia Sahm, Jana Parsons et Jay Shambaugh (The Hamilton Project), le taux de chômage est l’indicateur le plus important pour identifier les récessions. Plus précisément, son augmentation rapide, quel que soit son niveau, peut nous aider à observer rapidement le ralentissement économique. Si le taux de chômage (sous la forme d’une moyenne de trois mois) est supérieur de 0,5 point de pourcentage à son minimum des 12 mois précédents, l’économie est déjà en récession.

L’approche de Sham semble appropriée, comme le montre le graphique ci-dessous, l’indicateur a correctement signalé une récession 4-5 mois après le début de la récession et n’a pratiquement jamais appelé à tort une récession depuis 1970 (les zones grises sont des périodes de récession).

Qu’indique-t-il actuellement ?

Source: Datastream

Bien qu’il ait légèrement augmenté, passant de 3,6 % à 3,7 % aux Etats Unis, les feux sont au vert pour le taux de chômage aux États-Unis et en Europe, ne laissant entrevoir aucun signe de récession pour le moment.

Les indices ISM/PMI manufacturiers

Un de mes indicateurs préférés. Au cours de la seconde moitié de chaque mois, IHS Markit envoie un questionnaire à un panel de directeurs des achats de plus de 400 entreprises. On demande aux répondants si les conditions commerciales pour un certain nombre de variables se sont améliorées ou détériorées. Dans l’industrie manufacturière, ils couvrent la production, les nouvelles commandes, les nouvelles commandes à l’exportation, les prix des intrants/extrants, les stocks, et d’autres aspects importants de la vie d’une entreprise. Il regroupe ensuite l’information en un seul indice.

Un indice supérieur à 50 indique une expansion dans le secteur manufacturier, tandis qu’une lecture inférieure à 50 indique une contraction. Le PMI a de véritables avantages. Il est diffusé de façon anticipée (avant la publication du PIB de la période), et compte tenu de sa méthode de construction (un questionnaire aux directeurs des achats, au cœur de l’activité de l’entreprise), il constitue un véritable indicateur avancé. Qui de mieux pour vous donner le pouls de l’activité que le directeur des achats ? De plus, il a souvent montré des signaux de difficultés avant que l’économie ne mette les freins.

Un PMI inférieur à 45 pendant une période prolongée est le signe d’une récession imminente. La même interprétation vaut pour l’indice publié par l’Institute for Supply Management aux États-Unis.

Qu’indique-t-il actuellement ?

source: IHS Markit

Dans la zone euro, le PMI clignote orange (presque rouge ?). L’industrie manufacturière s’est rapidement détériorée depuis le milieu de 2018, affectée par les incertitudes du Brexit, les tensions géopolitiques, les tensions commerciales et la forte détérioration du secteur automobile. Le PMI manufacturier se maintient en dessous de 50 depuis février 2019. Une détérioration en dessous de 45 serait une alerte à ne pas occulter (le PMI manufacturier allemand est autour de 43.1 à cette date).

L’industrie manufacturière américaine a souffert du ralentissement des livraisons des fournisseurs, de la contraction du carnet de commandes et des stocks de matières premières. Les voyants sont entrain de passer orange, surtout depuis la publication du PMI de Chicago, considéré comme indicateur avancé de l’économie américaine .

source datastream

La forme de la courbe des taux :

Peut-être moins intuitif pour les personnes qui ne sont pas engagées sur les marchés financiers, mais la courbe des taux offre un très large éventail de signaux concernant l’économie. Il faut la voir comme une forme de confiance dans l’économie. En temps normal, plus l’échéance est longue, plus le rendement exigé par les investisseurs est élevé.

Source: datastream au 30/07/2019

 Alors que les taux à court terme (0 à 2 ans) donnent des informations sur l’inflation à court terme et les anticipations de politique monétaire, les taux à long terme (10 ans) donnent beaucoup d’informations sur les anticipations de rendement à long terme, l’inflation et, surtout, la confiance économique. L’écart entre le taux à 10 ans et le taux à 3 mois (le taux à 2 ans est également approprié) est connu par les praticiens du marché comme un signal de récession. Si le rendement à 10 ans est inférieur au rendement à 3 mois, on dit que la courbe des taux est « inversée ». Une inversion de la courbe des taux indique que les investisseurs ne sont pas très à l’aise avec la situation actuelle et recherchent l’abri d’obligations souveraines à long terme, de haute qualité. Elle a également des implications pratiques. Par exemple, l’aplatissement de la courbe rend le secteur bancaire (pour caricaturer rapidement l’activité, les banques empruntent à court terme pour prêter à long terme) moins rentable. Une inversion fait du prêt d’argent une proposition peu alléchante, ce qui entraîne une contraction du flux des prêts, le moteur de l’économie.

La Reserve Fédérale de New York (Banque centrale régionale) a mis au point un indicateur qui transforme la courbe des taux en indicateur avancé pour calculer la probabilité de récession. L’inversion de la courbe a été un puissant signal de récession, et chaque récession des 60 dernières années a été précédée d’une courbe des taux inversée.

Qu’indique-t-il actuellement ?

Il clignote actuellement en orange. La courbe de rendement des États-Unis s’est inversée à plusieurs reprises depuis 12 mois. La probabilité de récession de la FED au cours des 12 prochains mois a augmenté à 32% depuis le début de 2019 (dans le graphique, les zones grises correspondent à des recessions)


Dans la zone euro, la courbe n’est pas encore inversée, mais l’écart de rendement se rétrécit rapidement. Aux niveaux actuels il y a 12 ans, la zone euro entrait en récession en raison de la crise des subprimes.

La confiance des consommateurs :

La consommation est au cœur même des économies développées et représente près des deux tiers du PIB dans des économies comme les États-Unis, plus de 55% en Union Européenne. Il est techniquement impossible pour une économie développée de croître sans consommateurs.

Le problème, c’est qu’au moment où nous nous rendons compte que les consommateurs ont fermé leur portefeuille, la récession est bien amorcée. C’est pourquoi la confiance des consommateurs est un indicateur important.

Les analystes doivent être conscients que l’indicateur du sentiment est volatil, car les citoyens peuvent réagir de façon excessive à la hausse des cours boursiers, à un événement politique ou autre. Un déclin ne se traduit pas nécessairement par une récession, mais un déclin soutenu doit être interprété différemment. Les économistes de Morgan Stanley ont récemment constaté qu’une baisse de 15 % d’une année sur l’autre de l’indice du Conference Board est un indicateur fiable d’une récession.


Qu’indique-t-il actuellement ?

La confiance des consommateurs de la zone euro clignote orange, depuis son pic de décembre 2017, la confiance des consommateurs s’est régulièrement détériorée pour atteindre -7,2 points. Une détérioration plus marquée peut déclencher des signaux d’alarme au sujet d’une récession imminente.

La confiance des consommateurs américains s’est également détériorée depuis son sommet d’octobre 2018 à 137,9. Actuellement à 121,5, la détérioration est d’environ 12 %. Les feux restent au vert, mais une nouvelle détérioration au cours des prochains mois pourrait passer les feux à orange.

D’autres indicateurs : les investissements dans des actifs de long terme

Vous pouvez vérifier les investissements dans des actifs de long terme de plusieurs façons. Vous pouvez avoir des favoris, voici quelques exemples d’indicateurs qui aident à détecter les recessions.

Permis de construire :

Étant donné que tous les activités connexes associées à la construction d’un bien immobilier sont des activités économiques importantes (par exemple le financement, les matériaux et l’emploi), les publications sur les permis de construire peuvent donner une indication importante sur l’état de l’économie dans un avenir proche. De plus, les permis sont délivrés plusieurs semaines avant le début de la construction et peuvent servir d’indicateur avancé de la confiance des consommateurs et des conditions financières. L’augmentation du nombre de permis de construire dans l’immobilier commercial indique que les entreprises se préparent à accroître leur activité. Du côté résidentiel, l’augmentation du nombre de permis de construire indique que les particuliers ont accumulé suffisamment d’assise financière pour pouvoir s’offrir une résidence, le projet d’une vie.

L’immobilier a souvent été un important moteur de ralentissement, mais aussi de reprise, comme en 2008. Toutefois, de nombreux économistes américains soulignent que le rôle de l’immobilier dans l’économie a diminué, que l’immobilier résidentiel est à la traîne depuis de nombreuses années et n’a pas déclenché de récession. Ils concluent que cet indicateur a perdu un peu de son pouvoir et ne devrait pas être la cause de la prochaine récession.

Ventes d’automobiles et de camions/remorques :

Quels sont les achats les plus importants qu’une famille ou une petite entreprise peut faire ? Après l’immobilier, les voitures et les camions sont le produit le plus cher que la plupart des gens achètent. Si la possession d’une voiture est effectivement très répandue et parfois nécessaire (pour le travail, se déplacer, etc.), l’achat d’une nouvelle n’est pas simple. Pour une famille, la décision d’acheter une voiture neuve nécessite la confiance dans l’avenir et un pouvoir d’achat croissant. Par conséquent, les ventes d’automobiles peuvent fournir des renseignements importants sur les tendances en matière de dépenses et sur la confiance globale des consommateurs.

Pour les petites entreprises, acheter des poids lourds n’est pas une décision prise à la légère. Un poid lourd, remorque ou semi-remorque coûtent très cher, et en acheter un signifie que l’entreprise s’attend à une augmentation significative de ses ventes et de ses livraisons. Dans le cas contraire, elle représentera une charge sur ses coûts fixes et variables et réduira ses marges.

Ecrit par Mehdi Slimani, CFA

Inspiré de mes différentes lectures, recherches et analyses

J’espère que cet article vous a plu, si vous avez une question, ou une proposition à me faire sur cet article, n’hésitez pas à m’écrire, et entraidons nous à nous améliorer 😊.

Les stratégies activistes

On aime les appeler « Vautours » et s’intéressent de plus en plus à la France.
Qui sont-ils ? En quoi consiste leur approche ? Qui sont leurs cibles ? Quelles sont leurs tactiques ? Comment le marché y répond ?

Ils s’appellent Elliott, TCI ou Third Point. Certains sont des stars du marché comme Carl Icahn, Nelson Peltz ou Daniel Loeb. Et quand ils interviennent, le monde des affaires tremble.

On aime les appeler « Vautours » et s’intéressent de plus en plus à la France. Les grosses capitalisations ne leur font plus peur et s’attaquent désormais aux gros poissons. Le groupe de spiritueux Pernod Ricard est la cible du fonds activiste new-yorkais Elliott, le réassureur Scor se trouve dans le viseur de Ciam, Amber Capital détient désormais plus de 5% du capital du groupe Lagardère et Searchlight Capital Partners a annoncé racheter une participation de 26% dans l’équipementier aéronautique Latécoère.

En quoi consiste leur approche ? Qui sont leurs cibles ? Quelles sont leurs tactiques ? Comment le marché y répond ?

La stratégie

Les investisseurs activistes se spécialisent dans la prise de participation dans des sociétés cotées en bourse puis dans la promotion de changements dans le but de générer un gain sur l’investissement. L’investisseur peut souhaiter obtenir une représentation au conseil d’administration de la société ou utiliser d’autres mesures en vue de procéder à des modifications de la structure stratégique, opérationnelle ou financière. Dans certains cas, les investisseurs activistes peuvent soutenir des activités telles que la vente d’actifs, des mesures de réduction des coûts, des changements de direction, des modifications de la structure du capital, des augmentations de dividendes ou des rachats d’actions. Les activistes – y compris les Hedge Funds, les fonds de pension publics, les investisseurs privés et autres – varient considérablement dans leurs approches, leurs compétences et leurs horizons d’investissement. Ils peuvent également rechercher des résultats différents. Ce qu’ils ont en commun, c’est qu’ils plaident pour un changement dans leurs entreprises cibles.

L’activisme des actionnaires suit généralement une période de filtrage et d’analyse des opportunités sur le marché. L’investisseur examine généralement un certain nombre de sociétés en fonction de divers paramètres et effectue une analyse approfondie de l’activité et des opportunités de déblocage possibles. Plutôt que de poursuivre une stratégie d’OPA, les investisseurs activistes visent à atteindre leurs objectifs avec des participations moins importantes, généralement inférieures à 10%. L’horizon temporel des investisseurs activistes est souvent plus court que celui des investisseurs, mais l’ensemble du processus peut durer plusieurs années.

L’activisme des actionnaires (ou des investisseurs) n’est en aucun cas une nouvelle stratégie d’investissement. Ses fondements remontent aux années 1970 et 1980 aux Etats unis, lorsque des investisseurs connus sous le nom de « Corporate raiders » ont pris d’importantes participations dans des sociétés afin d’influencer leurs opérations, de débloquer de la valeur pour les sociétés cibles et d’accroître ainsi la valeur de leurs actions. Les partisans de l’activisme font valoir qu’il s’agit d’une activité importante et nécessaire qui permet de surveiller et de discipliner la gestion d’entreprise au profit de tous les actionnaires. Les opposants soutiennent que de telles tactiques interventionnistes peuvent être source de distraction et avoir un impact négatif sur les performances de la direction.

Les cibles des activistes

En moyenne, les entreprises ciblées affichent une croissance plus lente de leurs revenus et de leurs bénéfices que le marché, subissent une dynamique négative du cours de leurs actions et ont une gouvernance d’entreprise inférieure à la moyenne. En accumulant des parts et en initiant des changements dans les entreprises sous-performantes, les activistes espèrent générer de la valeur. En outre, en ciblant ces sociétés, les investisseurs activistes ont plus de chances de gagner le soutien des autres actionnaires et du grand public. Traditionnellement, les sociétés cibles étaient des actions cotées de petite et moyenne taille. Cela a changé depuis qu’un certain nombre de grandes entreprises sont devenues des cibles des activistes.

Caractéristiques des cibles:

Le processus d’une stratégie activiste

Source: Deutsche Bank
Les tactiques activistes:
  • Demander une représentation et des nominations au conseil d’administration.
  • S’engager avec la direction en écrivant des lettres appelant à expliquer les modifications suggérées.
  • Participer aux discussions entre la direction et les analystes ou en rencontrant l’équipe de direction en privé.
  • En lançant des « proxy contests » dans lesquels les activistes encouragent les autres actionnaires à leur donner procuration sur leurs votes pour effectuer un changement dans l’organisation.
  • Proposer des modifications significatives de l’entreprise lors de l’assemblée générale annuelle.
  • Proposer une restructuration du bilan afin de mieux utiliser le capital et potentiellement initier des rachats d’actions ou augmenter les dividendes.
  • Réduire la rémunération de la direction ou réaligner la rémunération de la direction avec la performance des actions.
  • Lancer des poursuites judiciaires contre la direction existante pour manquement à ses obligations fiduciaires.
  • Contacter les autres actionnaires de la société pour coordonner leurs demandes.
  • Lancer une campagne médiatique contre les pratiques de la direction existantes.
  • Demander la rupture d’un grand conglomérat pour débloquer de la valeur.

Comment le marché réagit aux attaques des activistes

Les investisseurs réagissent généralement positivement aux annonces d’activisme: en moyenne, les actions des sociétés cibles ont augmenté de 2% le jour de l’annonce (en se basant sur tous les événements activistes de la base de données Thomson Reuters Corporate Governance Intelligence de 1987 à 2016). De plus, la réaction positive s’ajoute à l’appréciation des actions avant les annonces d’activisme. Selon le modèle de Maug (1998), les investisseurs activistes négocient un titre avant l’annonce pour constituer une participation, revendiquer le contrôle et tirer profit de la création de valeur. On peut également soutenir qu’il doit y avoir une fuite d’informations sur l’implication des activistes, ce qui fait grimper le titre avant même la première annonce publique. Il y a une légère inertie après l’annonce: dans le mois qui a suivi l’annonce de l’activiste, les cours des actions cibles ont augmenté de 0,6% en moyenne par rapport au marché.(source : CFA Institute)

Luckin Coffee: L’IPO génétiquement modifiée

Vendredi 17 Mai, Paris- C’est une réussite ! Luckin Coffee flambe de plus de 50% à Wall Street avant de clôturer à +20% ! L’entreprise a réussi à lever 560 m$, valorisant son capital à plus de 4Mrds$, en faisant le plus gros flottant d’une entreprise chinoise sur le marché américain.

Crée en 2017, Luckin Coffee se présente comme le pionnier d’un nouveau modèle de vente au détail axé sur la technologie. Grace à son application mobile, Luckin dépend énormément sur la vente à emporter et la livraison.

Contrairement à Starbucks, dont les commerces sont des lieux de réunion confortables, Luckin ouvre des petits commerces où on peut se renseigner des dernières promotions et emporter sa commande.

Au pays du Thé, Luckin s’attaque à un marché dont la croissance peut être exceptionnelle. Surtout que la livraison de repas et de courses est très populaire en Chine. Le marché du café est passé de 2.7 à 8.7 Mrds $ en seulement 5 ans! Et la tendance ne semble pas s’essouffler.

Une nouvelle Licorne dans l’univers « New Retail » Chinois.

Depuis quelques années, la montée en puissance des start-ups chinoises est d’une ampleur inégalée, et leur niveau de consommation de cash atteint des niveaux à en faire pâlir la Silicon Valley. Que ce soit l’explosion des offres de mobilité courte, avec des millions de vélos et trottinettes qui envahissent les villes chinoises, ou la livraison des repas et courses qui colorent les rues de Pékin de gilets verts et bleus, couleurs des entreprises dominantes sur ce marché, la chine est devenue une usine à Start-ups, peu importe la viabilité de leur modèle.

D’ailleurs, plusieurs de ces start-up ont soi revu à la baisse leurs ambitions, soit acté l’échec de leur Business model (Vélos et trottinettes partagées).

Avec le ralentissement économique chinois et les tensions avec les USA, les sources de financement pour ces start-ups commencent à se tarir, même si Luckin démontre que le pays est encore capable de surprendre.

Luckin, comme plusieurs autres start-ups chinoises, ressemble à un clone d’un modèle qui fonctionne déjà (Starbucks), et ne suit pas le chemin traditionnel de croissance.

Une IPO génétiquement modifiée.

Luckin n’est pas une entreprise comme les autres. Généralement, en entreprenariat, on commence petit puis on grandit. La croissance est liée à sa réussite commerciale, et l’expansion se fait au rythme des profits et des capacités de financement.

Pas pour Luckin, qui se positionne comme un grand groupe dès sa première année d’existence. En bas âge, Luckin est déjà grand. Soutenu par de grands investisseurs (BlackRock, Centurium Capital, Joy Capital), il se développe à une vitesse fulgurante. En un peu plus d’un an, la société a séduit 17 millions de clients et ouvert près de 2400 commerces dans 28 villes chinoises. En comparaison, Starbucks a 3600 commerces, ouverts sur une période de 20 ans (le premier Starbucks a ouvert en 1999 en Chine).

Pas besoin d’attendre que le business model fasse ses preuves, l’objectif est clair, déloger Starbucks de sa position de leader dans le pays, le plus tôt possible. Les dirigeants y croient, malgré la puissance du modèle de Starbucks, ils citent la dominance de Costa Cafe aux UK et Tim Horton au Canada pour démontrer que le leadership de Starbucks n’est pas une fatalité. A fin 2018, Starbucks détenait 50% du marché du café contre 2% pour Luckin (5% pour Mc Café).

En ligne avec sa vision, Luckin ne vient pas chercher que de l’argent en bourse. Son introduction fait partie de sa stratégie commerciale. Aux côtés de la levée de fonds qui va lui fournir les moyens de son développement, l’entreprise vient également y chercher une notoriété, et une valorisation de la marque, centrale pour Luckin. Et sur ce plan, l’IPO est une réussite totale.

Comment acquérir des clients aussi vite : Les acheter.

Peng aime se rendre vers le Luckin en bas de son bureau pour prendre son shot de caféine. « Luckin n’est pas aussi bon que Starbucks », dit-il, « mais on en a pour son argent », « Le prix est vraiment plus faible ».

En effet, Luckin est aujourd’hui beaucoup moins cher que Starbucks, moitié moins cher.

Si le prix du café à la carte est quelque peu semblable à celui de Starbucks (3.5$ contre 4$), le consommateur paye très rarement le prix affiché. Les promotions à -50% sont quotidiennes. Si vous téléchargez l’application, votre premier café est gratuit. Et si vous parrainez un ami sur l’appli, est bien vous avez le droit à un café gratuit également.

Parmi les promotions actuellement en cours, les consommateurs sont encouragés à acheter 7 articles ou plus par semaine, leur permettant d’intégrer un pool de consommateurs similaires. A la fin de la semaine, chaque membre du pool recevra une réduction pour un total de 5 millions de Renminbi (640 000€). Cela équivaut à un retour de 3.5€ à chaque consommateur. Le programme 10 semaines promet un retour de plus de 6 millions € aux consommateurs. Les chinois adorent ces coupons et promotions.

Ces offres rognent les résultats de l’entreprise. Pour 241 millions $ de Chiffres d’Affaires, elle a publié une perte nette de 475 millions de $.

Le compte de résultat de l’entreprise est assez remarquable. Le chiffre d’affaire ne couvre même pas le coût de production (132% du CA). Les comptes de l’entreprise sont dans le rouge dès la marge brute. Les dépenses administratives représentent 85% du CA. Et il y a deux fois plus de pertes que de chiffres d’affaires. C’est dire si le management va devoir travailler sur tous les fronts (fournisseurs, charges administratives, Marketing etc) pour améliorer ses marges.

Compte de resultat de Luckin Coffee. source: Reuters

Comment va-t-elle gagner de l’argent alors ?

Ces actions promotionnelles sont une forme de Dumping, puisque la société ne réussit même pas à dégager une marge Brute positive. Cette stratégie n’est clairement pas soutenable à terme. Il faut bien que l’entreprise commence à dégager des profits pour ses actionnaires. La stratégie de Luckin est différente de celle de Starbucks. Elle repose énormément sur l’Emporter/livraison ainsi que l’utilisation de son application. Cela dit, le produit Starbucks est également réputé de meilleure qualité et mieux packagé. Que les consommateurs chinois continuent de consommer Luckin une fois les prix revenus au niveau de Starbucks n’est pas clair.

Les tensions commerciales entre les USA et la Chine, et leur impact sur la perception du consommateur chinois peut soutenir Luckin dans son effort face à Starbucks. D’une autre part, la guerre froide Technologique qui s’ouvre entre les deux pays peut représenter un frein pour le développement de luckin. Les dirigeants, eux, affirment qu’ils vont continuer leur effort de promotions de renforcement de la marque, expliquant que l’amélioration des marges viendrait de la baisse des couts, alimenté par l’investissement dans la technologie. Pourquoi pas.

Une chose est sûre, les investisseurs doivent faire preuve de patience sur le pan des couts en raison de la courbe d’expérience du groupe. Malgré sa croissance, il faudra quelques temps avant que la logistique et les frais administratifs ne soient rodées.

 
 

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