Après le charbon et le gaz, risquons-nous de manquer de pétrole ?
Mercredi 06 Octobre 2021,
La réunion de l’OPEP n’aurait duré que 25 minutes
L’OPEP a décidé d’ignorer la pression politique et commerciale qui l’incitait à augmenter sa production de pétrole afin d’atténuer le resserrement du marché.
Le groupe de 23 membres a déclaré le 04 Octobre dans un communiqué que beaucoup de médias ont qualifié de laconique, tenant en 10 lignes, et sans conférence de presse, qu’il augmenterait sa production d’un modeste 400 000 barils par jour en novembre, soit moins de 0,5 % de la demande mondiale. Plusieurs observateurs et analystes espéraient 400 000 barils/j supplémentaires (en sus des 400k/j décidés depuis Juillet).

Selon les analystes, le groupe est plus prudent dans ses perspectives que certains observateurs de l’industrie, qui voient la demande de pétrole dépasser largement l’offre dans les mois à venir. Un changement de politique aurait pu se heurter à une opposition de certains pays membres et ouvrir la voie à de nouvelles négociations sur les quotas des producteurs qui souhaiteraient des plafonds plus élevés. Une négociation que le prince Abdulaziz bin Salman, le ministre saoudien du pétrole, voulait très probablement éviter.
D’un autre côté, les appels pour ouvrir les vannes sont de plus en plus fortes. Des signes de détresse apparaissent sur les marchés de l’énergie :
- La Chine manque de Charbon. Avec la détérioration des relations sino-australiennes, la Chine a cessé d’importer du charbon d’Australie et se tourne désormais vers l’Indonésie et la Mongolie. Mais, du fait du Covid-19, le trafic avec cette dernière a été perturbé. Les prix ont donc tendance à croître, au plus haut historique de 228$ la tonne.
- Avec la flambée des prix du gaz en Asie et en Europe, plusieurs pays se tournent vers le pétrole pour la génération d’électricité. Le même jour de l’annonce de l’OPEP (le 04/10/2021), Saudi Aramco a déclaré que la crise du gaz naturel stimulait déjà la demande de pétrole. La consommation de brut a augmenté d’environ 500 000 barils par jour, selon Amin Nasser, directeur général d’Aramco. Cela correspond à peu près à la production totale du Venezuela, membre de l’OPEP selon l’article du worldoil.com.

- À la suite de la guerre contre le pétrole de schistes américain mené par l’Arabie saoudite en 2020, les producteurs américains sont restés disciplinés dans leurs investissements. Et les dommages causés par l’ouragan Ida en août aux infrastructures pétrolières et gazières dans le golfe du Mexique ont annulé une partie de l’impact des récentes augmentations de production de l’OPEP+. La production dans le Golfe du Mexique est estimée à 600 K/bj en dessous de ses capacités.
Conséquence: Le déficit de l’offre par rapport à la demande est désormais évalué à 900 K/j pour le T4 2021, contre 600 k/J au T3 2021. A un moment où les stocks de l’OCDE sont de prés de 100 Million de barils en dessous de leur moyenne 2015-2019.

Une nouvelle brique dans le mur d’inquiétudes pour le marché actions européen :
La décision des pays de l’OPEP de ne pas bouger ajoute un nouveau problème au mur d’inquiétudes :
- Immobilier Chinois avec Evergrande et Fantasia Holdings
- Power Crunch en Chine et en Europe
- Tapering de la banque centrale Américaine et hausse des taux américains au dessus de 1.5%.
- Commandes à l’Industrie Allemande en baisse de 8% en Aout.
- Pression sur les émergents liée à la hausse du dollar.
- Turbulences dans les chaines d’approvisionnement
Le pétrole progresse de plus de 100% en 1 an, et la stabilisation entre 70$ et 80$ tant espérée s’éloigne de jour en jour. Les compagnies pétrolières maintiennent leurs investissements dans l’Upstream à des niveaux réduits, et poursuivent leurs efforts pour la transition vers de nouvelles sources durables. Mais le système énergétique mondial reste dépendant à 80% des énergies fossiles, et pour limiter le réchauffement climatique, il semblerait que le pic d’investissement dans le pétrole ait largement précédé le pic de la demande.
Cours du Brent 2010-2021

Présent dans tous les process industriels, il pourrait alimenter un nouveau round d’inflation, mettre sous pression le pouvoir d’achat des ménages, dont l’humeur commence déjà à être impacté par les hausses des prix et les pénuries.
Les inquiétudes vis-à-vis de la stagflation augmentent. Les banques centrales pourraient se retrouver acculées. L’inflation est leur principale mission, et force est de constater que le caractère transitoire de cette dernière se révèle de plus en plus long. L’esprit de Paul Volcker est toujours vivant, Ils n’auront d’autre choix que de changer de stratégie si leur analyse de l’inflation s’avère erronée.
Le pétrole et le Feedback loop
Les mouvements de ce type sur le pétrole ont été par le passé des signaux de soucis à venir (2008, 2015, 2018). Le marché actions européen reste constructif à ce jour, nous constatons plus des rotations sectorielles (Value = Finance+Energy), des repositionnements, et pas de ventes panique. Le mur d’inquiétudes devrait à terme s’estomper (comme toujours), et les perspectives de croissance devraient s’améliorer avec l’accélération des dépenses d’investissement liée aux plans de relance US/Europe.
On aime dire que le meilleur remède contre un pétrole cher est un pétrole cher. Une hausse du prix au-dessus de 90 dollars le baril pourrait impacter négativement la demande et générer une réaction politique assez forte, surtout aux Etats Unis. L’OPEP+ pourrait être confrontée à plus de pression en faveur d’augmentations plus importantes lors de la prochaine réunion, prévue le 4 novembre.
En attendant, les catalyseurs à court terme semblent assez rares, et la prudence reste de mise au niveau des investisseurs internationaux.
Article toujours de grande qualité, merci !
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